Malgré les critiques, l’application TousAntiCovid a contribué à rassurer la population

Photo : Malgré les critiques, l’application TousAntiCovid a contribué à rassurer la population

Un article initialement paru The Conversation France.

En juin 2020, le gouvernement français lançait la première application mobile « StopCovid » parmi les armes déployées pour endiguer l’épidémie de Covid-19. Le lancement de l’application ne connut pas un grand succès, si bien qu’elle fut remplacée assez rapidement par une nouvelle dénomination « TousAntiCovid ». Les chiffres du rapport d’activité publié par le gouvernement français montrent l’échec du premier lancement avec 2,8 millions de téléchargements pour la période du 2 juin au 21 octobre 2020, puis 36,6 millions de téléchargements avec la nouvelle version TousAntiCovid du 22 octobre 2020.

Rappelons que la Chine, Singapour et la Corée du Sud furent parmi les premiers à lancer ce type d’application de traçage. La France, mais également d’autres pays européens comme l’Allemagne suivirent le pas en l’intégrant dans leur stratège de lutte contre le Covid-19. Parmi les options proposées, cette application permettait aux utilisateurs de détecter les contacts à risque, de se déclarer positif et avertir les contacts à risque, d’avoir son certificat de vaccination pour le passe sanitaire, de produire des attestations de sorties durant les confinements, d’afficher les chiffres quotidiens sur l’épidémie et de lire des conseils pour se protéger.

Malgré sa fonctionnalité, l’application de traçage a beaucoup questionné sur sa capacité à constituer un levier pertinent pour endiguer l’épidémie, mais également sur les dangers qu’elle pouvait présenter sur la collecte des données des utilisateurs et la violation de leur vie privée.

Cependant, notre travail de recherche (à paraître) conduit auprès d’un échantillon de 832 individus représentatifs de la population française montre que ce type d’application permet de rassurer psychologiquement une population en période de pandémie.

Comment un simple service mobile gouvernemental peut-il avoir un effet psychologique sur les citoyens utilisateurs en période de pandémie ? C’est la question de départ qui a guidé la réalisation de cette étude dès le mois de juin après le lancement de la première version de l’application StopCovid. La pandémie a brisé la vie routinière des individus, créant incertitude et peur.

Dans ce type de situation, le désir de revenir à une vie dite « normale » est d’autant plus fort. C’est ainsi que notre étude s’est intéressée au concept de valeur perçue. Selon le psychologue et philosophe américain John Dewey, l’évaluation implique de désirer, et cela peut se produire dans une situation de « manque » ou lorsque la nécessité de conserver quelque chose est menacée par des « conditions extérieures ».

Le désir de retrouver une vie normale constitue une « fin » que les citoyens souhaitent atteindre. Pour y parvenir, les individus vont utiliser et évaluer des « moyens » pour atteindre cette « fin ». Nous avons considéré l’application StopCovid comme un moyen pour attendre des « fins » qui dans notre étude se réfèrent au bien-être et à la confiance dans le futur.

L’approche analytique de la valeur considère que tout individu a la capacité de percevoir des bénéfices et des coûts générés par les attributs d’un produit et/ou service. Pour l’application StopCovid, nous identifions l’utilité et le bénéfice statutaire : l’utilité se réfère à la capacité d’une application à accomplir des opérations alors que le statut se définit comme la capacité de l’application à améliorer l’image des utilisateurs auprès des autres. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les individus peuvent ainsi utiliser des applications telles que StopCovid pour obtenir une gratification sociale.

Au-delà des bénéfices, l’usage de l’application implique cependant des coûts comme l’intrusion liée aux notifications, le risque lié à la manipulation des données par un tiers et une exposition de la vie privée avec l’accès aux données personnelles. Le rapport coûts-bénéfices conduit alors l’individu à faire une évaluation globale dans cette approche analytique de la valeur.

Notre étude montre que les bénéfices influencent la valeur perçue positivement, et les coûts négativement. Toutefois, si nous nous focalisons sur la vie privée, son effet négatif envers la valeur perçue reste très faible, voire proche de la non-significativité, alors que les travaux antérieurs sur des applications plus traditionnelles (par exemple, bancaires ou d’e-commerce) montrent des effets inverses.

Cela signifie que les individus, en période de pandémie, ont tendance à être moins sensibles envers la divulgation de leurs données personnelles à une application gouvernementale. De plus, notre recherche montre que cet effet apparaît non significatif pour les femmes comparées aux hommes pour qui l’effet est hautement significatif.

Parmi les personnes interrogées, seulement 13 % avaient installé l’application dès la première semaine de lancement. Cependant, les résultats montrent des effets similaires entre personnes ayant installé l’application et les personnes ne l’ayant pas fait. Dans les deux cas de figure, la valeur perçue de l’application mobile influence le bien-être et la confiance envers le futur. Ces deux conséquences, bien-être et confiance envers le futur, qui sont considérées comme des « fins » dans la théorie de Dewey, demeurent liées à des aspects psychologiques et, globalement, au construit de la « réassurance ».

La réassurance désigne un processus par lequel les gens fournissent des informations à d’autres personnes afin d’éliminer les craintes ou les doutes et de réconforter l’autre. Cette réassurance apparaît encore plus nécessaire lorsque la situation d’un individu change de telle manière qu’elle affecte son état psychologique et son comportement. Or, la pandémie, en augmentant l’anxiété, a créé un contexte indésirable dans lequel les gens cherchent à être rassurés.

Dans ces situations, la réassurance peut générer des mécanismes, comme la recherche de la présence d’autrui, pour réduire l’anxiété. Lorsque les citoyens se pensent en bonne santé physique et mentale et sont optimistes quant à l’avenir, ils sont rassurés. Notre travail montre que le lancement de cette application mobile par le gouvernement a permis de rassurer globalement les citoyens. Cette réassurance a permis à son tour d’influencer ce que l’on appelle le « bouche à oreille », soit d’inciter les utilisateurs et non-utilisateurs à parler autour d’eux de l’application mobile.

Bien que l’efficacité de l’application StopCovid en période de pandémie ait été discutée, les effets sur la psychologie des individus montrés par notre recherche plaident en faveur du déploiement de ce type d’outil dans des circonstances exceptionnelles. En effet, nous oublions souvent que l’être humain n’est pas que rationnel et c’est d’autant plus vrai en période de pandémie. Le premier confinement a montré comment les individus pouvaient se ruer vers les magasins en vidant les rayons des produits de première nécessité, dont les pâtes et le papier toilette. En situation de peur et de stress intense, il est capital pour un gouvernement d’éviter toute forme de panique dans la population. Si bien que la mise en place des premières mesures joue un grand rôle sur la manière dont les individus vont aborder la situation.

Nous avons pu voir par exemple que le lancement de l’application StopCovid a permis, via la perception de la valeur de celle-ci, de renforcer la confiance dans le gouvernement. L’application répond donc à un double objectif : rassurer l’individu et renforcer la confiance envers l’autorité gouvernementale sur sa capacité à endiguer l’épidémie. Nos résultats montrent que l’influence positive de la valeur perçue de l’application sur la confiance envers le gouvernement est significative que ce soit chez les individus ayant déjà une confiance établie mais aussi chez les groupes de population ayant été en défiance envers le gouvernement et envers les médias de masse.

Ce résultat montre une certaine forme de consensus malgré les divisions qui ont pu apparaître dans certaines franges de la population et favorise par conséquent une forme d’union autour du combat de l’épidémie. Ce travail permet de montrer l’intérêt d’utiliser ce type d’outils pour les gouvernements dans des situations extraordinaires (catastrophe naturelle, épidémies, guerre, attentats, etc.) en renvoyant un message indirect à la population de type « Soyez rassurés, nous sommes en train d’agir ».

Auteur(s)

Photo : Comment les détaillants créent-ils de la valeur en développant un assortiment de produits locaux ?

Comment les détaillants créent-ils de la valeur en développant un assortiment de produits locaux ?

Depuis 2019, la demande des consommateurs en faveur de produits respectueux de l’environnement et socialement responsables ne cesse d’augmenter. Les marques locales ont en effet enregistré une croissance en volume de +3,9% entre 2019 et 2022 contre +2,4% pour l’ensemble des produits de grande consommation. Les consommateurs sont de plus en plus soucieux de l’origine […]

Lire la suite

Photo : Le préférendum peut-il donner un nouveau souffle à la démocratie locale en s’appuyant des conseils de citoyens ?

Le préférendum peut-il donner un nouveau souffle à la démocratie locale en s’appuyant des conseils de citoyens ?

Un article rédigé par Angélique CHASSY et Sébastien BOURDIN Fin août 2023, le porte-parole du gouvernement Oliver Véran annonce que le gouvernement pourrait recourir à un nouvel outil de participation citoyenne le Préférendum « ce qui doit être préféré par les citoyens ». Son originalité démocratique repose sur la possibilité aux citoyens de s’exprimer sur plusieurs sujets […]

Lire la suite

Photo : Dans quelle mesure une appellation géographique est-elle gage de qualité ? Le cas du whisky écossais

Dans quelle mesure une appellation géographique est-elle gage de qualité ? Le cas du whisky écossais

À l’instar du vin, le whisky écossais est soumis à plusieurs réglementations qui définissent notamment cinq appellations géographiques distinctes : Campbeltown, Highland, Islay, Lowland, et Speyside. Chacune de ces régions est réputée pour produire des styles de whisky spécifiques, définissant ainsi pour chacune d’elles une identité de terroir. Avec Bruno Pecchioli (ICN-Artem Business School), nous […]

Lire la suite