La future Politique Agricole Commune : quelle place pour les questions environnementales ?

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Les députés européens ont adopté il y a peu le dernier cycle de mesures de la politique agricole commune, qui constituera le cadre de la politique agricole européenne jusqu’en 2027 pour un montant de 386 milliards d’euros (dont 62 milliards pour la France).

Les militants avaient demandé une réforme radicale de la politique afin de rendre l’agriculture plus respectueuse de l’environnement, mais ont réagi avec déception au vote. Les agriculteurs, quant à eux, ont nié qu’il s’agissait d’un exercice de “greenwashing” et ont déclaré que cela conduirait à un réel changement.

De quoi parle-t-on ?

La politique agricole commune de l’UE a été lancée en 1962 pour garantir que l’Europe de l’après-guerre dispose de suffisamment de nourriture. Elle avait cinq objectifs principaux : (i) améliorer la productivité agricole en Europe, (ii) assurer un approvisionnement stable en denrées alimentaires à des prix abordables, (iii) stabiliser les marchés européens, (iv) faire en sorte que les agriculteurs puissent gagner leur vie de manière “raisonnable, (v) garantir des prix équitables pour les consommateurs.

La politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne représente environ un tiers du budget de l’UE. Un poste aussi important ne manque bien évidemment pas d’être source de nombreux désaccords…

Alors que l’UE met de l’ordre dans son budget commun pour la période 2021-2027, connu sous le nom de cadre financier pluriannuel, la PAC fait l’objet d’une réforme majeure. Bien que le montant des subventions agricoles restera sensiblement similaire, il reste à voir comment les Fonds seront distribués, et si les Fonds seront liés à des contreparties environnementales obligatoires.

Comment l’UE distribue-t-elle actuellement les subventions agricoles ? 

Le premier pilier de la PAC comprend les paiements directs, qui sont calculés à l’hectare. En termes simples : plus l’exploitation est grande, plus la subvention est importante. Les paiements directs représentent en moyenne environ 47 % du revenu annuel d’une exploitation. Mais ces paiements directs ont été critiqués pour leur contribution au déclin des petites exploitations ; les agriculteurs possédant de petites propriétés bénéficient beaucoup moins des subventions de l’UE que les fermes industrielles. Le second pilier de la PAC est quant à lui réservé aux plans de développement rural et aux mesures relatives au climat et à l’environnement.

Le problème est que ce deuxième pilier est cofinancé par les États membres. Un pays, une région ou une municipalité doit faire correspondre toute subvention de l’UE provenant du second pilier avec le même montant provenant de ses ressources propres. C’est pourquoi les États membres ne mobilisent souvent pas complètement ces Fonds.

Quelles ont été les critiques à l’égard de ces subventions ?

L’agriculture industrielle à grande échelle a souvent été accusée de contribuer à la perte de biodiversité et à l’augmentation des émissions de CO2, et de polluer les sols et l’eau par l’utilisation de pesticides et d’engrais. Les groupes environnementaux, les militants du climat et les partis politiques verts ont critiqué le système de paiement direct à l’hectare de la PAC, l’accusant de promouvoir massivement de telles pratiques. Ces paiements ne sont généralement pas liés à des programmes qui profitent à l’environnement.

Toutefois, un nouveau règlement a été introduit en 2013 pour garantir qu’un tiers des paiements directs ne serait versé que si certaines mesures d’”écologisation” avaient été mises en place, c’est-à-dire si les exploitations agricoles respectent certaines exigences environnementales. Mais les mesures ne semblent pas avoir été assez loin.

Quelles sont les réformes nécessaires ? 

La politique agricole de l’UE doit devenir plus écologique et plus durable, et les agriculteurs devraient être récompensés pour l’introduction de mesures de protection de l’environnement – c’est en tout cas l’idée. Toutefois, un débat de longue date a lieu au sein de l’UE sur le pourcentage des paiements directs qui devrait être lié à des mesures écologiques dans les années à venir.

La Commission européenne a suggéré que les États membres contrôlent eux-mêmes les mesures, la surveillance et les sanctions environnementales, qui sont actuellement stipulées par l’UE. Elle souhaite également que les États membres envoient leurs plans politiques à la Commission européenne pour approbation. Cependant, cette proposition, soutenue par les 27 ministres de l’agriculture de l’Union, a été rejetée par les environnementalistes, qui pensent que les États membres placeraient la barre trop bas, et par les groupes de pression et syndicats agricoles, qui pensent que le plan fausserait injustement la concurrence entre les États membres. 

Les “éco-régimes” proposés par la Commission, qui seront liés aux paiements du premier pilier et devraient être beaucoup plus stricts que toutes les mesures précédentes, ont également été contestés. Dans le cadre des éco-régimes, 20 % des paiements aux agriculteurs seraient affectés à des initiatives écologiques telles que l’agriculture biologique et l’agroforesterie. Une exploitation ne recevrait l’intégralité du paiement direct que lorsqu’elle prouverait qu’elle a satisfait à toutes les nouvelles réglementations environnementales, et ne pourrait pas utiliser l’argent à d’autres fins. Le Parlement européen a toutefois soutenu un plan qui prévoit de porter ce pourcentage à 30 % des paiements.

Quelle a été la réaction au nouveau plan ?

Les écologistes veulent que l’UE aille encore plus loin. Les organisations et associations militant pour la durabilité demandent qu’au moins la moitié des paiements directs du premier pilier soient liés à des régimes écologiques.

Mais certains syndicats agricoles ont mis en garde contre la maximisation des exigences “exclusivement liées à l’environnement”. Selon eux, l’UE devait apporter un soutien au secteur agricole pour garantir que tous les objectifs de la PAC soient atteints, notamment celui de permettre aux agriculteurs de gagner raisonnablement leur vie.

Loin de contenter les principaux concernés, la PAC continue de diviser, elle fait mieux qu’avant, mais reste loin d’être parfaite…

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