Sur Internet, l’économie circulaire trouve ses nouveaux modèles

Photo : Sur Internet, l’économie circulaire trouve ses nouveaux modèles

Un article à lire sur l’ADN.

L’économie circulaire a le vent en poupe depuis un moment. Mais elle peine à damer le pion à l’économie classique, dite linéaire. Pourtant, les modes de consommation numérique et notre vie en ligne donnent déjà corps à ce concept.

Réemploi, réutilisation et recyclage : tels sont les fondements de l’économie circulaire. Mais comment parvenir à appliquer cette idée concrètement ? Le point sur le futur d’un concept en plein essor avec Sébastien Bourdin, professeur et chercheur en géographie économique à l’école EM Normandie, doyen délégué de la faculté de Caen.

Qu’est-ce que l’économie circulaire, et d’où provient ce concept ?

Selon la définition qu’en donne l’Agence de la transition écologique (ADEME), c’est un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades de vie du produit, essaie d’augmenter l’efficacité, la réutilisation, le recyclage des ressources et la diminution de l’impact environnemental.

C’est une définition parmi d’autres, mais elle résume bien les fondamentaux de la chose : une économie fonctionnant en boucle vertueuse et qui tente d’abolir la notion de déchet.

Ce concept vertueux s’oppose-t-il à l’économie classique, dite linéaire, ou se construit-il en parallèle ?

Dans la pratique, l’économie circulaire s’inscrit en parallèle. Environ 80 % de notre économie, à la louche, fonctionne depuis des millénaires sur le principe de l’économie linéaire : on extrait des matières premières, on fabrique, on consomme, on jette. C’est le modèle actuel et celui qui est encore majoritaire aujourd’hui. Toutefois, un nouveau type d’entreprises et d’acteurs économiques émerge aujourd’hui en se questionnant véritablement sur l’impact environnemental et le recyclage. Cela passe par une économie circulaire de la réutilisation, du recyclage et du réemploi. On appelle cela les Trois R. Sur le terrain, on constate que ça bouge très vite et que de nombreuses organisations cherchent à mettre en place des stratégies pour en parler et adopter des méthodes circulaires.

Quel est le niveau d’acceptation du concept dans la société française aujourd’hui ? On a le sentiment qu’il y a d’un côté la recherche scientifique et, de l’autre, les moyens de production.

C’est une vaste question. Nous avons réalisé, dans le cadre d’un projet de recherche, plusieurs entretiens auprès d’entreprises et d’élus politiques pour mesurer ce niveau d’acceptation. Nous voulions notamment savoir quels étaient les freins à une mise en place de systèmes liés à l’économie circulaire. Les entreprises nous ont surtout répondu qu’elles manquaient de compétences et de supports techniques. Concrètement, on parle d’économie circulaire, mais on ne sait pas comment en faire. Il y a des nouveaux métiers qui apparaissent aujourd’hui, comme celui de rudologue : un spécialiste du recyclage des déchets. Ces nouveaux métiers existent, mais les chefs d’entreprise ne le savent pas, ou leur personnel ne sait pas comment s’y prendre.

Ensuite, il y a éventuellement le coût économique d’entrée dans une nouvelle stratégie qui peut effrayer. Dans une démarche d’écologie circulaire territoriale, il faut aussi une mise en relation entre les entreprises pour créer des synergies. Sur la question des déchets, ceux des uns peuvent servir les activités de l’autre sur un même territoire. Mais les entreprises ne le savent pas forcément, par manque de communication. Il y a une méconnaissance des ressources à disposition.

Globalement, c’est un problème méthodologique. L’Ademe propose d’ailleurs depuis quelques années un dispositif d’accompagnement pour créer cette synergie au niveau territorial.

Quels types d’entreprises font aujourd’hui de l’économie circulaire ?

Des entreprises comme leboncoin ont fait leur succès là-dessus. Si on prend cet exemple, il est clair que tout le monde y est gagnant d’un point de vue social et environnemental.

Si je veux jeter ma table basse, la vendre à un particulier permet à la place d’en faire une ressource économique. Celui qui souhaite l’acheter va faire un bénéfice économique vis-à-vis d’un produit neuf. En parallèle, il y a un coût de production de cette table basse. C’est donc, en théorie, avantageux d’un point de vue environnemental.

On voit désormais des entreprises comme BMW surfer sur cette vague. Un spot publicitaire récent de la marque parle pendant 30 secondes d’économie circulaire, pour conclure sur l’annonce d’un véhicule conçu à partir de matériaux recyclés. On voit bien que même l’industrie automobile, qui est souvent montrée du doigt pour son impact environnemental, cherche à penser ses modèles d’affaires différemment.

Pensez-vous qu’au sein de la population, il y a une prise de conscience sur ces sujets ? On utilise ces sites, ces services, sans pour autant savoir que l’on fait de l’économie circulaire.

Vous avez raison. Au-delà de ça, certaines démarches sont aujourd’hui qualifiées d’économie circulaire alors qu’elles existent depuis longtemps. On a simplement mis un mot sur un acte. C’est le cas pour le recyclage, mais aussi pour la réparation. Avant les Trente Glorieuses, la culture de la réparation des objets était bien plus présente. Elle s’est effacée jusqu’aux années 2000-2010 pour faire son grand retour.

On peut citer la startup Murfy, qui s’est spécialisée dans la réparation de lave-linge et d’électroménager. Ils proposent de payer 85 euros – comprenant le déplacement et la main-d’œuvre – et remboursent si ce n’est pas réparable. Ils affirment que dans 94 % des cas, l’appareil est réparable. Ils laissent ensuite aux clients des tutoriels gratuits pour identifier les pannes et réparer eux-mêmes. C’est du pur Do It Yourself. On casse véritablement les business models.

Il y a un autre aspect encore plus en amont, c’est celui de l’éco-conception. Dès les premières réflexions sur le produit, on va essayer de réfléchir à son recyclage lorsque celui-ci arrive en fin de vie.

Comment définiriez-vous une économie circulaire « juste » et « positive » ? Que vous évoque l’utilisation de ces deux termes ?

Je pense que, presque par définition, l’économie circulaire est juste et positive. Prenez l’exemple du covoiturage. Dans l’économie circulaire, on appelle cela l’économie de fonctionnalité : on va acheter non pas un bien, mais la fonction de celui-ci. En l’occurrence la voiture. On maximise l’utilisation d’un bien à un moment précis avec un retour gagnant-gagnant. Pour moi, on est dès lors dans une économie juste, positive. Une économie du partage.

Certaines plateformes qui mettent aujourd’hui en relation des personnes dans un lieu précis pour se louer ou se prêter des choses, font de l’économie circulaire. Par exemple, la durée d’utilisation moyenne d’une perceuse est de 15 minutes dans une vie entière. On dépense 100 euros pour un objet dont on se servira au total un quart d’heure. Pourquoi ne pas louer son outil quelques euros la journée, tant pour maximiser l’usage qu’éviter une nouvelle production ?

De ce point de vue, c’est véritablement une économie juste et positive. Ceux qui n’ont pas les moyens d’achat peuvent profiter des biens, ceux qui les ont peuvent maximiser l’utilisation, etc. On met par ailleurs en avant la dimension environnementale, qui est selon moi fondamentale.

Auteur(s)

Photo : Nous ne sommes qu’au début des interactions phygitales en magasin

Nous ne sommes qu’au début des interactions phygitales en magasin

Professeur en marketing et directeur académique (M2 stratégie marketing et développement commercial) à l’EM Normandie, Yonathan Silvain Roten a consacré sa thèse et ses recherches aux nouvelles pratiques d’interactions phygitales entre consommateurs et vendeurs. Dans un contexte de digitalisation des magasins, Actu Retail a pu interroger ce spécialiste du partage d’écran sur l’utilité de tels […]

Lire la suite

Photo : Comment les détaillants créent-ils de la valeur en développant un assortiment de produits locaux ?

Comment les détaillants créent-ils de la valeur en développant un assortiment de produits locaux ?

Depuis 2019, la demande des consommateurs en faveur de produits respectueux de l’environnement et socialement responsables ne cesse d’augmenter. Les marques locales ont en effet enregistré une croissance en volume de +3,9% entre 2019 et 2022 contre +2,4% pour l’ensemble des produits de grande consommation. Les consommateurs sont de plus en plus soucieux de l’origine […]

Lire la suite