Une tribune publiée sur Les Échos.
L’accélération de la décentralisation prévue dans le cadre de la possible réforme des institutions par Emmanuel Macron va-t-elle réellement réduire la défiance démocratique et rapprocher le citoyen de l’élu ? s’interroge Sébastien Bourdin. Le « pacte girondin » du candidat Macron en 2017 visait à renforcer la décentralisation en donnant plus de pouvoirs aux collectivités sur la fiscalité, l’urbanisme, l’aménagement du territoire, le logement, l’éducation et la culture.
Remise en avant début 2023 par la réforme des institutions , celle-ci prévoit notamment d’accélérer la décentralisation. Le récent rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes exhorte d’ailleurs à une réforme ambitieuse. Mais selon la juridiction financière, lignes directrices claires pour les élus locaux et lisibilité pour les citoyens font défaut. La Cour des comptes pointe également un manque d’efficience généralisé de l’action publique, qu’il conviendrait de rationaliser.
La crise des « gilets jaunes » a révélé la nécessité de favoriser les échelons de proximité et la démocratie locale. La réforme territoriale portée par François Hollande avait surtout abouti à une fusion des régions, augmentant leur taille.
Mais cette vague de décentralisation en 2015 a eu des effets pervers, comme le montrent plusieurs travaux scientifiques en sciences politiques et en géographie, particulièrement celui d’éloigner les citoyens des centres de décision et de mener à la négligence des territoires ruraux et périphériques.
De nombreux élus locaux avaient déploré l’affaiblissement du rôle du maire et des communes au profit de l’intercommunalité, et le renforcement du rôle des métropoles au détriment des territoires ruraux. Ce « tout métropole » continue d’inquiéter une partie de la population qui se sent exclue des bénéfices potentiels qu’elle pourrait tirer des métropoles.
Pourtant, le ruissellement des métropoles vers les territoires ruraux est loin d’être une évidence. Et la récente annonce de la mise en place de RER métropolitains ne fait qu’attiser ce sentiment de frustration et d’abandon de la part de l’Etat dans les territoires périphériques. Dans ce contexte, le président de la République souhaite réformer en procédant à un double redécoupage. Le premier concerne une nouvelle délimitation des contours des 4 régions les plus grandes (l’Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine, le Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes). Le second consiste à réorganiser le fameux « millefeuille territorial » avec trois grands blocs : le couple communes-intercommunalités, l’échelon de proximité, le couple département-région, axé sur les questions de solidarité et de développement économique local et le couple Etat-Union européenne pour les questions régaliennes et internationales.
Réduire la défiance démocratique ?
Cette rationalisation permettrait également de payer moins de monde. Mais rapprocheront-ils vraiment le citoyen de l’élu ? C’est loin d’être évident. Est-ce une réforme qui réduira la défiance démocratique ? Pas si sûr ! L’avenir de l’Hexagone continue de se dessiner autour des territoires les plus peuplés et plus denses, en laissant de côté des territoires abandonnés des politiques publiques. On y observe une baisse des services publics, et un sentiment d’éloignement des habitants. Pas étonnant qu’une partie de la population, privée ces services, ne croit plus dans l’action du gouvernement.
C’est ce que de nombreuses études montrent et c’est ce que nous appelons la revanche des territoires qui ne comptent pas. Ce mécontentement citoyen est susceptible d’accroître la montée des populismes et le désintérêt vis-à-vis de la politique. Et pourtant… Ces territoires négligés jouent un rôle essentiel dans les dynamiques locales comme dans le renouveau des initiatives citoyennes. En témoignent la multiplication des associations et l’implication croissante des parties prenantes locales (particuliers, association, entreprises, coopératives, réseaux divers, systèmes et dispositifs locaux…) pour donner un nouveau souffle à ces territoires. Mais tout cela suffira-t-il ?