Le cas de l’Afrique de l’Ouest et du Centre
Il est coutume d’affirmer que 90% des tonnages commercés à travers la planète le sont par voies maritimes alors que 80% des valeurs échangées emprunteraient des bateaux et donc passeraient par des ports. L’article publié dans le numéro 6 des Perspectives Portuaires Africaines de la fondation SEFACIL met en perspective l’évolution de la connectivité maritime conteneurisée des principaux ports compris entre Dakar au Sénégal jusqu’à Luanda en Angola. Cette évolution sur la dernière décennie constitue un marqueur de l’intégration des économies africaines dans les chaînes de valeur mondiales
Le conteneur : un indicateur majeur de mondialisation
Tout comme l’indice Big Mac de The Economist avait bouleversé le regard sur la mesure de parité de pouvoir d’achat en 1986, l’indicateur de conteneurisation interprète combien une nation est incluse dans les circulations manufacturées planétaires. Ainsi, l’Europe et l’Asie présentent les plus forts de conteneurisation avec près de 200 conteneurs manutentionnés par milliers d’habitants alors que l’Afrique peine à dépasser les 20. Autre indicateur lié à la conteneurisation, les connectivités maritimes mesurées par les capacités totales déployées par les armateurs maritimes sur une région ou sur un port en particulier. Dans la présente analyse, nous avons travaillé sur cet indicateur à partir des rapports du spécialiste néerlandais Dynamar et des bases de données de la firme anglaise Drewry. Le travail sur deux années de référence (2010 et 2020) permet de décomposer l’évolution de la connectivité maritime selon trois dimensions :
- L’évolution absolue sur une décennie en prenant en compte l’ensemble des régions portuaires de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique du Centre ;
- L’évolution contrastée entre les différentes régions portuaires qui établit de nouveaux rapports de concurrence et de complémentarité entre les autorités portuaires ; et,
- L’évolution relative avec l’analyse des capacités maritimes selon les compagnies maritimes dominantes et les routes maritimes desservies (selon une matrice simplifiée avec les 4 sillons maritimes les plus achalandés).
Les ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC) : des évolutions de connectivité contrastées
Les calculs de capacités totales conteneurisées déployées sur la rangée Dakar-Luanda révèlent plusieurs tendances. La première, les ports du Golfe de Guinée et particulièrement ceux compris entre Abidjan et Lomé ont concentré la plus importante part de l’augmentation de capacité. En clair, ils ont amélioré leur attractivité maritime et par conséquent augmenté les volumes de manutention de manière nettement plus marquée que les concurrents. Deuxième éléments, des ports de petite et moyenne taille comme Douala au Cameroun ou Libreville au Gabon perdent de leur connectivité maritime sur une décennie, victimes des stratégies maritimes orchestrées par les compagnies majoritairement européennes. Troisième signal fort : les connectivités maritimes ont évolué, passant essentiellement de services maritimes conteneurisés directs à des services de plus en plus interconnectés via des terminaux spécialisés de transbordement, à l’instar de Pointe-Noire au Congo-Brazzaville et surtout Lomé au Togo qui a connu multiplié ses manutentions par 7 sur la décennie.
L’Asie (La Chine) : comme moteur de connectivité des ports AOC
En décomposant les services maritimes touchant tous les ports commerciaux africains de Dakar à Luanda sur les deux années de référence (2010 et 2020), il ressort que ce sont les rotations maritimes avec l’Asie et en particulier celles qui incluent la Chine qui ont contribué le plus à la connectivité des ports de l’AOC. Autre résultat, les services qui utilisent les ports de la Méditerranée (en premier lieu desquels Tanger Med au Maroc) pour ensuite connecter les ports africains ont augmenté leurs capacités au détriment des services directs qui connectent l’AOC avec l’Europe. En d’autres termes, la connectivité maritime des ports de l’AOC révèle l’intensification des relations commerciales et économiques avec l’Asie alors que la part relative de l’Europe décline.
Conclusion : une région portuaire de l’AOC toujours en retard
Sur la décennie, les capacités totales déployées ont augmenté de 40% ce qui pourrait paraître important mais les 4 millions d’EVP réparties entre Dakar et Luanda en 2020 représentent une quote-part relative inférieure à celle des 2,47 millions recensées en 2010. En clair, les capacités déployées sur les autres ports du monde ont augmenté de manière plus importante que celles mises à disposition pour desservir des ports comme Dakar (Sénégal), Douala (Cameroun) ou encore Luanda (Angola). En guise de conclusion, ce travail de recherche illustre que l’Afrique portuaire continue d’améliorer ses connectivités maritimes internationales mais sans parvenir à stimuler une meilleure inclusion des marchés africains dans les circuits maritimes globaux. Cela s’avère primordial alors même que le premier marché africain de libre échange (ZLECAf) a vu le jour en 2021 et que les espoirs de stimuler les échanges inter et intra-africains pourraient attirer les armements maritimes. A terme, les volumétries générées par les grands navires sur les routes dominantes (avec l’Asie, la Méditerranée et l’Europe) pourraient jouer un rôle positif dans l’amélioration des connectivités maritimes inter et intra-africaines.