Du 22 au 24 septembre 2022 se tient au Havre l’évènement scientifique Sur les épaules des géants où seront débattus et discutés les sujets sociétaux qui interpellent le grand public. Parmi les thématiques phares figure le dérèglement climatique, de ses origines à ses conséquences en passant bien sûr par les champs des possibles pour remédier durablement à cette menace globale. C’est dans cette perspective que s’inscrivent ces réflexions, en prenant le cas précis du secteur des transports, et plus spécifiquement celui du shipping conteneurisé.
Le maritime : moyen de transport de fret le moins polluant
Avec un total supérieur à 10 milliards de tonnes métriques en 2021, le secteur du transport maritime représente environ 90% de tous les volumes échangés. Ce chiffre est à mettre en perspective avec celui de 2,89%, soit la part du transport maritime dans le total des gaz à effet de serre (GES) produit par l’ensemble des activités anthropiques en 2018. Une autre unité de mesure favorable au transport maritime considère le transport d’une tonne sur un kilomètre, où les secteurs aérien et routier outrepassent très largement le mode maritime, le plus propre de tous les modes actuellement disponibles. Pour que les objectifs mondiaux de diviser par 2 les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 (par rapport au niveau de référence de 1990), le transport maritime a choisi la voix de la réglementation et l’impératif de conformité à des règles entérinées dans un cadre onusien.
L’Organisation Maritime Internationale : de la protection universelle de la mer
Créée à la sortie de la seconde guerre mondiale, l’OMI est une institution spécialisée des Nations-Unies qui a pour mission de rendre les transports maritimes toujours plus sûrs et sécurisés, efficaces et durables, propres et équitables. Pour ce faire, l’OMI et ses 174 Etats-membres, édictent des normes et promeuvent des instruments pour une mise en œuvre de réglementations aussi universelles qu’uniformes. Parmi les plus emblématiques figure la Convention MARPOL (Convention internationale pour la prévention de la pollution des navires, adoptée en 1973, puis révisée en 1978 et 1997. EN 2018, l’OMI adopte une stratégie qui vise à réduire d’un moins 40% les émissions de GES provenant des transports maritimes internationaux à l’horizon 2030 et surtout d’atteindre a minima le seuil de 70% d’ici 2050 par rapport à l’année de référence 2008. Un ensemble de mesures accompagne cette ambition qui s’inscrit dans l’objectif de développement durable 13 des Nations-Unies et s’aligne sur le scénario de réduction des émissions de CO2 dans le cadre des objectifs de température fixés dans l’Accord de Paris (contenir l’élévation de la température moyenne de la planète « nettement en dessous » de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels).
Fait remarquable, ces obligations réglementaires internationales de l’OMI interpellent directement les Etats mais aussi et surtout les opérateurs maritimes qui doivent se conformer et engager des stratégies d’anticipation pour radicalement transformer la dépendance aux énergies fossiles les plus polluantes.
Du GNL à la force vélique
Les réponses armatoriales face au défi de la décarbonation peuvent être classées en deux grandes catégories. La première consiste à techniquement maîtriser les émissions par l’équipement de « scrubbers », des filtres spéciaux qui capturent une très grande partie des émissions d’oxydes de soufre et de particules fines. Seul problème, la capture des fumées dans les effluents de scrubbers est rejetée en mer, déplaçant ainsi le problème à tel point que la France a adopté le 1er janvier 2022 une réglementation spécifique interdisant les rejets des eaux de lavage des scubbers dans les 3 milles nautiques et dans les eaux portuaires nationales.
L’autre grande catégorie repose sur l’usage de carburants maritimes plus propres, voire neutres en émission de GES. Depuis 2005, la teneur en soufre des combustibles marins a été drastiquement réduite, passant de 4,5% à 0,5%. Le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) et le méthanol constituent les deux alternatives déjà mises en place en attendant les applications à grande échelle de propulsions marines par l’hydrogène et l’ammoniac. La mise en service de porte-conteneurs 100% électrique et ceux propulsées par la seule force du vent apparaissent comme les solutions les plus optimales mais avec des capacités d’emport très limitées. Le Yara Birkeland, lancé à Oslo en novembre 2021, long de 80 mètres, transportera 120 conteneurs sur un trajet régulier d’une dizaine de kilomètres alors que les futurs navires de la compagnie TOWT basée au Havre auront une capacité de 1100 tonnes sur un trajet transAtlantique à partir de 2024.
Le secteur du conteneur : mutation énergétique en cours
Au 1er aout 2022, la flotte mondiale comptait 5 610 navires porte-conteneurs dont 916 étaient déjà équipés de scrubbers, soit 16,3% du total. Chose intéressante, ce chiffre monte à 31,8% si l’on prend en compte les capacités nominales des navires, sous l’impulsion notamment du numéro 1 du transport maritime conteneurisé, la société italo-suisse MSC Shipping. En clair, ce sont les navires les plus grands (supérieurs à 10 000 Evp) qui sont équipés majoritairement. Même effet sur le GNL où seulement 40 navires (0,7% du total) sont propulsés au GNL mais la politique stratégique de l’armateur français CMA-CGM (30 navires sur 40) d’équiper les plus grandes unités du monde (24000 EVP) porte la part du GNL à 2%.
Au-delà de la flotte existante, les résultats les plus probants sont à constater au niveau du carnet de commande. Sur les 927 porte-conteneurs confirmés au 1er Aout 2022, 243 seront équipés de scrubbers, 176 seront propulsés au GNL et 29 tenteront l’aventure énergétique du méthanol. L’usage des carburants dits « bio-fuels » doit concourir également à atteindre l’objectif de l’OMI pour 2030 mais cela n’est pas sans poser la conséquence écologique d’utiliser des produits agricoles raffinés pour propulser des navires de commerce. La transition est en cours, mais le chemin reste encore très long.