Est-il envisageable de faire du marketing sans tomber dans ce que nous appelons communément le greenwashing ou autres formes d’ethicwashing ? Laëtitia Condamin, PhD, professeur assistant en marketing, EM Normandie nous éclaire sur le sujet !
Travailler dans le marketing, moi ? Jamais !
Le temps est désormais révolu où travailler dans le marketing constituait la voie royale pour les jeunes étudiants. Chacun, chacune, aspirait alors à devenir chef de produit au sein des prestigieuses multinationales « lessivières » ou cosmétiques. Aujourd’hui, à l’aube du nouveau régime climatique pour paraphraser le philosophe Bruno Latour, se rêver chef d’orchestre d’une marque, si vertueuse soit-elle, ne fait plus l’unanimité auprès des jeunes gens. A quoi bon étudier le marketing, cet instrument pernicieux qui nous a conduit pour partie au désastre vers lequel nous tendons ? Derrière cette question s’en dissimule une autre : est-il envisageable de faire du marketing sans tomber dans ce que nous appelons communément le greenwashing ou autres formes d’ethicwashing ?
Le marketing, à quoi ça sert réellement ?
Qu’est-ce que le marketing ? Littéralement, la mise en marché de produits ou services imaginés par des professionnels soucieux d’écouter les consommateurs pour mieux répondre à leurs désirs et pouvoir leur apporter de la valeur ajoutée. Derrière ce joli vocable, se cache aussi bien la nième nouvelle fonction d’un smartphone que la possibilité de rémunérer équitablement le producteur local, réfutant ainsi toute argumentation en provenance des détracteurs désireux de voir disparaître à jamais le marketing, coupable désigné de tous nos maux. Le marketing c’est aussi l’une des fonctions stratégiques majeures de l’entreprise qui définit ce qu’elle commercialisera pour assurer sa pérennité. Pourtant, les représentations à propos du marketing se concentrent sur la partie immergée de la fonction, communication ou distribution, puissants vecteurs des tentations manipulatrices systématiquement reprochées au marketing.
Envisageons les choses autrement pour enseigner le marketing
A l’heure des changements radicaux nécessaires, nous avons plus que jamais besoin de professionnels capables d’entraîner les modifications de comportement impératives pour conserver un monde habitable. Il devient fondamental que la formation des marketers ne se contente plus d’enseigner outils et méthodes destinées à « faire vendre plus ».
Le regard critique
Avant de s’emparer de ces techniques, il convient de permettre aux futurs marketers de pouvoir poser un regard critique sur les outils mobilisés et d’intégrer le rôle joué par le marketing dans le façonnage de notre société… de consommateurs. Pour cela, le retour en force des sciences sociales et de la culture générale dans les cursus des écoles de commerce post-bac s’avère incontournable pour former des marketers véritablement responsables, capables de transformer le monde pour le meilleur. A l’EM Normandie, les étudiants sont très vite sensibilisés à l’histoire, la philosophie, la sociologie, aux institutions politiques ou encore au rapport de l’humain avec les technologies. Plus le marketer aura conscience de ce qui se passe en amont comme en aval de son travail de création de produit ou de service, plus il se sentira capable d’endosser la responsabilité qui est la sienne lorsqu’il « met en marché. »
Développer sa créativité
Ensuite, revenir à l’essence du marketing comme l’art de saisir comment concevoir un produit ou un service qui s’inscrira de façon pertinente dans nos vies. Cela repose sur la capacité créative souvent délaissée au profit d’analyses quantitatives dédiées à l’exploitation du Big Data. Pourtant, c’est avant tout d’imagination dont auront besoin les futurs managers pour aborder les défis à venir. C’est en tout cas ma conviction et la raison d’être de mon cours de M1 ‘Brand Development’ qui immerge les étudiants dans l’élaboration d’une offre responsable : de la formulation d’insights consommateurs à partir d’une mise en perspective à l’élaboration d’un concept en misant sur l’expérimentation par l’étudiant d’un processus créatif.
Eveil à la curiosité
Au-delà des instruments de gestion historiquement chers aux écoles de commerce françaises issues des chambres de commerce et d’industrie, c’est avant tout un éveil à la curiosité et à la créativité qui doit constituer un des fondements de l’enseignement marketing, pour permettre aux futurs managers d’appréhender complexité et incertitude du monde à venir et de contribuer de manière responsable à la transformation des comportements de consommation en proposant un nouveau récit en faveur d’un monde habitable. Ceci ne pourra se faire qu’en redonnant ses lettres de noblesse à la fonction marketing !