La transformation numérique est une véritable révolution dans les pratiques professionnelles. Les mutations qu’elle génère rendent nécessaires de nouvelles compétences pour les futurs managers. Allons-nous évoluer vers des profils d’hypertechniciens des systèmes d’information ou vers des généralistes polyvalents ? Se poser la question des besoins des entreprises conduit naturellement à se poser la question de la nature et du contenu des enseignements. Que faut-il enseigner à l’ère du numérique au sein des universités et des écoles de management pour préparer au mieux les étudiants à leur emploi de demain et sous quelles modalités ?
Deux études menées en parallèle
Face aux contraintes des mutations technologiques, il n’existe pas de déterminisme. Plusieurs positionnements stratégiques sont envisageables et sont observables notamment dans le secteur de la finance d’entreprise. C’est pourquoi nous avons choisi de centrer notre enquête sur les professionnels de ce secteur (banquiers, contrôleurs de gestion, expertscomptables, directeurs financiers…), considérant que le travail des services financiers est l’archétype du travail digitalisé. L’article s’appuie sur deux études menées en parallèle, l’une qualitative, l’autre quantitative, durant lesquelles des praticiens, cadres financiers, ont été interrogés.
Les deux changements majeurs observés suite à ces études que sont l’arrivée massive de la donnée ainsi que l’automatisation et la standardisation des tâches opérationnelles, sont lourds de conséquences. Les métiers deviennent en effet plus complexes, les tâches simples devenant l’apanage des machines et le flux colossal d’informations disponibles requérant une forte capacité d’analyse et de discernement. Les clients demandent par ailleurs davantage d’accompagnement et de conseils. L’expertise sur le métier est renforcée et de nouvelles compétences émergent.
Le numérique met à l’honneur les soft skills
Le renforcement des hard skills liés au métier est donc nécessaire. La qualité de sachant devient primordiale. Cependant l’expertise ne provient pas d’une technicité accrue mais bien de la compréhension des enjeux et de l’environnement global de l’entreprise. Le savoir penser devient la qualité indispensable, ce qui d’ailleurs distingue jusqu’à présent l’homme de la machine. Si les hard skills sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes. Le numérique met à l’honneur les soft skills. Savoir communiquer, savoir écouter, être capable d’esprit critique, savoir s’adapter, être curieux et humble sont autant de qualités plébiscitées par le monde de l’entreprise à l’ère du numérique.
L’enseignement doit faire sa révolution numérique. La dérive du technowashing qui consiste à mettre du digital dans toutes les formations est prégnante. Or l’avènement du numérique donne une place primordiale aux qualités humaines qui doivent désormais être inscrites dans les objectifs pédagogiques des différents cours dispensés. Enfin l’enseignement supérieur n’échappera sans doute pas à la trajectoire observée dans bon nombre de professions. La standardisation des cours portant sur les notions de base paraît inéluctable, notamment par l’utilisation du elearning, mais cela peut redonner à l’enseignant sa véritable valeur ajoutée : expliquer et illustrer les notions plus complexes selon les difficultés rencontrées au cas par cas par les étudiants.
De plus, modularité et personnalisation des enseignements sont à l’ordre du jour pour former des étudiants curieux et agiles avec des connaissances spécifiques dans leur futur domaine d’activité. Former au savoir penser est donc le défi principal de l’enseignement supérieur. De nouvelles modalités pédagogiques restent à inventer, en s’appuyant naturellement sur les outils digitaux.