Tribune parue sur Les Échos Start // Que retiendront les nouvelles générations de cette période de changements profonds ? Pour Elian Pilvin, directeur général de l’EM Normandie, la réponse est sans doute une plus grande capacité à s’adapter et à vivre dans l’incertitude. Et pour nos futurs managers un leadership nouveau orienté vers la transformation de notre société centrée sur l’impact de leurs actions.
Qu’a fait notre génération pour améliorer véritablement le monde dans lequel nous vivons ? Pas assez à l’évidence. Mais la relève est là : la génération actuelle va la prendre, c’est le sens de l’histoire. Il y a des raisons d’être optimistes. Nos étudiants sont confrontés en ce moment même à des conditions de vie incroyables et, loin de se considérer comme une classe d’âge sacrifiée, ils se voient comme les entrepreneurs d’un monde meilleur. En les observant de près, on sait ce que veut dire le mot agilité. Ils ont su mettre en place des systèmes de fonctionnement alternatifs d’entraide afin de cultiver le collectif pour surmonter cette épreuve. On ne pourra pas leur dire qu’ils n’ont pas connu la guerre… comme le dit lui-même le président de la République. Eux aussi vivent quelque chose de totalement extraordinaire.
A peine majeurs, nos futurs managers ont intégré la dimension de leadership transformationnel qui les conduira à faire différemment pour faire mieux. Dans leur esprit, ce concept n’a plus rien à voir avec la hiérarchie. On passe totalement en mode projet où son statut peut varier au gré des missions. Tout le monde doit se remonter les manches. Leur talent réside désormais dans la capacité à embarquer les autres et donner du sens au résultat de leurs actes. Le leadership sera transformationnel car le citoyen de demain demandera des comptes et des preuves de l’impact positif de ces décisions sur son environnement, sur sa vie quotidienne.
Ce nouveau mindset concerne majoritairement les générations nées après l’an 2000. Celles qui détournent les nouvelles technologies pour « produire » de manière plus respectueuse, celle qui « hacke » les concepts et définit de nouveaux usages, celle qui se sert des réseaux pour amplifier ses actions. C’est évidemment cette approche qui nous permettra de corriger le cap et de tracer un nouveau chemin, celui d’une prospérité réfléchie et durable.
Grandes écoles : faisons bouger les lignes !
Les écoles n’en avaient sans doute pas fait assez jusqu’à présent. Elles se sont trop souvent limitées à reproduire un monde dominant, hiérarchisé, théorisé. Il faut sortir de ce modèle au profit d’une vision plus participative, plus inclusive et plus horizontale de nos sociétés. La démocratie est fragile, nous l’avons vu récemment à Washington ! Les grandes écoles ont une grande responsabilité dans l’éveil des consciences de leurs étudiants, dans la traque sans relâche de la post-vérité et des fake news, car elles sont des lieux de production de connaissances, guidées par une rigueur scientifique qui est aujourd’hui un garde-fou indispensable dans nos sociétés en perte de repères.
La crise sanitaire nous a fait prendre conscience que le monde est la nouvelle salle de cours du XXIe siècle. Nos campus ne sont plus des lieux clos et protecteurs, mais des sas entre la vie adolescente et la vie adulte, où l’on se cherche, où l’on se forme, où l’on se teste, où l’on échoue, et où l’on se relève. Les étudiants sont dorénavant en prise directe avec la réalité, dans ce qu’elle a de plus âpre mais aussi de plus beau. Pour le moment, ils encaissent les coups, font le dos rond, mais viendra un moment où ils prendront conscience que ce qu’ils ont vécu, ce qui amplifiera non seulement leur envie de changer le monde, mais aussi leur capacité à le faire.
Nous sommes au pied du mur. Cette génération va se battre pour retrouver plus de liberté, plus de démocratie, plus de respect de la planète. L’homme est un être social, créateur, inventif et nomade. Je suis convaincu qu’ils sauront revenir à ces valeurs qui redonneront des couleurs à l’Humanité.