L’intermédiation désigne ce qui crée du lien entre au moins deux personnes, deux secteurs, deux systèmes, deux agents socio-économiques, … C’est un concept présent et utilisé par d’autres disciplines (sciences de gestion, économie, …) et certains autres domaines (assurance, finance, informatique, biologie, neurosciences, …). La transposition des grilles de lecture vers la science régionale en introduisant la dimension territoriale de l’intermédiation nous semble pertinente, notamment concernant les rôles et fonctions des acteurs qui participent au système territorial, appuyés par des dispositifs particuliers qui mettent en œuvre et matérialisent cette intermédiation.
2Dans un monde global qui se veut uniforme, mais dont les conséquences de son fonctionnement produit aussi des fractures et des imperfections, l’intermédiation apparaît comme nécessaire pour faire lien et mettre du lien entre les individus et leurs comportements décisionnels et organisationnels dans un cadre territorial, qui lui, produit de la spécificité (Pecqueur et Nadou, 2018).
3Pour une conception renouvelée et opératoire du territoire Fernand Braudel parlait de « construction de passerelles ». Nous considérons ces passerelles au travers de la notion d’intermédiation, et des processus qu’elle suppose, pour comprendre la construction et le fonctionnement des territoires d’aujourd’hui et en train de se faire. Autrement dit, la mise en avant et la compréhension de ce concept permettent d’ouvrir la « boîte noire » du développement territorial (Baudelle et al., 2011 ; Campagne et Pecqueur, 2014 ; Torre, 2015) et de donner un cadre analytique des rapports entre acteurs des territoires.
4Alors même que de nombreux dispositifs existent dans la pratique et sur le terrain, l’utilisation de l’intermédiation en science régionale est relativement récente (Nadou, 2013). Des travaux sur l’intermédiation économique (Halbert, 2005) considèrent les activités assurant le fonctionnement en réseau des activités économiques et regroupant les secteurs permettant la circulation des biens, des hommes, du capital et de l’information et qui favorisent l’innovation et organisent l’interface entre les différents acteurs du marché. De son côté, Talandier (2016) a montré les différentes formes d’intermédiation et leurs apports pour analyser l’économie territoriale. Récemment, Muller et Tanguy (2019) ont montré comment certaines structures de l’économie sociale et solidaire sont productrices d’intermédiation en favorisant les proximités entre producteurs locaux et créatrices in fine d’innovations sociales et territoriales. En aménagement du territoire, Nadou (2013) considère que les documents de planification territoriale créent des processus d’intermédiation entre acteurs par leur élaboration, gestion et négociation. L’auteur précise que si l’aménagement du territoire et la planification imposent explicitement ou implicitement des mécanismes de coordination et des périmètres de dialogue entre acteurs locaux, c’est bien parce qu’il existe des processus d’intermédiation entre et avec ces mêmes acteurs que la gouvernance et la coordination des plans et des programmes peuvent fonctionner. Il apparaît en creux que l’intermédiation est fonction des contextes locaux, de l’histoire et de la culture du territoire, et que ses processus de mise en œuvre peuvent varier. D’autres auteurs voient au travers de ce concept d’intermédiation l’expression d’un encastrement social du territoire (Duez, 2011).
5Comme le précise Nadou et Talandier (2018), l’évocation de l’intermédiation territoriale, rassemble plusieurs dimensions et axes d’investigation, et correspond à des croisements entre des logiques résiliaires —verticales et horizontales— et des logiques historiques et sociales : l’intermédiation territoriale s’inscrit alors à la fois dans un système de lieux ; un système de liens et un système d’acteurs, avec des dispositifs et outils qui y sont associés.