Un article à lire en intégralité sur Cadremploi.
Le digital engendre des comportements inattendus, même chez les jeunes les plus diplômés. Une récente étude* révèle que 30% d’entre eux décrochent moins facilement un emploi à cause de croyances pour le moins surprenantes. Pour eux, on n’est pas choisi par un recruteur mais “trouvé” par des algorithmes. Partant de cette croyance, ils laissent faire le hasard, donc trouvent moins vite que les autres. Eclairage de Jean Pralong, le chercheur de l’EM Normandie qui a co-dirigé ce travail de recherche.
Nous nous sommes demandés si ceux qu’on appelle les “digital natives” sont à l’aise avec les plateformes de recrutement digitalisées, à savoir les CVthèques, les réseaux sociaux, les applications de cooptation. Est-ce qu’ils réussissent à en tirer partie dans le but de trouver l’emploi qui leur correspond. Et pour être rigoureux, nous avons étudié des jeunes détenteurs d’un Master qui devraient être à l’aise avec le digital – sans être pour autant ingénieur en informatique – ni avoir un diplôme réputé difficile pour l’insertion. Nous avons suivi 287 jeunes et ce qu’a très vite repéré ma collègue Marie Peretti-N’Diaye, qui est docteure en sociologie et a le don de faire parler les gens**, lors des entretiens individuels nous a surpris.
Certains jeunes croient que le marché du travail est irrationnel, qu’il est agi par la chance ou le hasard. Ils n’en sont pas conscients mais ont développé une sorte de “pensée magique” au sujet de ces outils qu’ils voient comme des “boîtes noires”. Ils mettent rarement à jour leur CV, ne postent pas d’informations sur les réseaux sociaux et sont globalement passifs vis-à-vis des recruteurs. Le problème, c’est qu’ils représentent environ 30% des jeunes interrogés et ce sont ceux qui s’insèrent le moins bien après leur diplôme. Les autres – qui représentent 44 % de jeunes interrogés – sont capables de déployer des techniques de recherche d’emploi efficaces et s’insèrent mieux car ils pensent et agissent rationnellement. Ils fréquentent des sites différents, publient régulièrement sur les réseaux sociaux et n’hésitent à mettre leur CV à jour dans les bases de CV. L’utilisation pertinente de ces plateformes qui collectent leurs informations leur permet d’accéder plus facilement à l’emploi.
Contrairement à ce qu’on pense, cette génération n’est pas homogène. Il semble qu’avec la digitalisation du recrutement, certains jeunes ont été habitués à « être trouvés » par un algorithme plutôt qu’à être choisi grâce à une démarche active. Pour eux, être recruté relève de la chance ou du hasard. Ce registre de la « pensée magique », l’anthropologue Margareth Mead notamment l’a rencontré chez certaines peuplades en Océanie, lors de ses explorations au début du XXe siècle. Certains domaines de la réalité ne peuvent être compris par la pensée logique. Ils relèvent du « mana », à la fois de la magie et du sort. On le retrouve chez ces jeunes chercheurs d’emploi qui estiment qu’ils ont eu de la « chance » d’être contactés plutôt que d’associer ce contact à une suite logique d’actions.
Quand on pense « se faire trouver » plutôt que « se faire choisir », on a tendance à adopter des postures passives… Ces jeunes attendent que ça vienne.