Les agriculteurs n’ont pas été épargnés par le COVID-19 : arrêt de l’approvisionnement de la restauration collective, suspension des marchés de plein vent, blocage des frontières empêchant les travailleurs détachés de contribuer aux premières récoltes et aux premiers semis… Malgré cela, les producteurs agricoles font preuve d’une grande agilité pour s’adapter à la situation, attestant d’un comportement entrepreneurial digne des start-ups !
Un secteur lourdement impacté par le Coronavirus
L’agriculture a été fortement impactée par la pandémie de COVID-19, en particulier les agriculteurs qui vendent en circuits courts. Les premières mesures imposées par l’Etat et ayant un impact significatif pour les agriculteurs a été l’arrêt brutal de l’approvisionnement de la restauration collective, notamment dans les écoles, collèges et lycées. Cet arrêt a bloqué les commandes avec un impact significatif en termes de chiffres d’affaires. Récemment, l’interdiction des marchés de plein vent a été vécu comme un second coup d’arrêt. Beaucoup d’agriculteurs vendent en effet leurs produits sur les marchés, un des tous premiers circuits de distribution des produits fermiers. Pour ne pas arranger la situation, tous les travailleurs détachés ont été bloqués aux frontières. Or, les agriculteurs ont besoin de cette main d’œuvre saisonnière venue d’Espagne, des pays de l’Est ou de certains pays de Maghreb pour effectuer les travaux agricoles de printemps, notamment les récoltes des fruits et légumes. Malgré toutes ces contraintes, les agriculteurs font preuve d’une grande agilité, qualité habituellement associée aux start-ups.
Changement de braquet
Le Coronavirus a engendré des contraintes mais aussi des opportunités. C’est ce qu’ont bien perçu les producteurs. Si la crise a eu raison de certains circuits de distribution, d’autres au contraire, se sont mis à décoller. C’est le cas de la vente à la ferme ou des distributeurs automatiques. Les clients cherchent en effet des points de vente qui leur permettent d’éviter le moindre contact, proches de chez eux et qui leur offrent la possibilité d’aller prendre l’air. Certains agriculteurs ont vu ainsi leurs ventes à la ferme multipliées par trois ou quatre tandis que d’autres qui approvisionnaient leurs distributeurs automatiques deux fois par jours le font désormais cinq à sept fois, voire plus. Cette nouvelle demande qui émane à la fois de clients de la ferme qui changent leurs habitudes d’achat et de nouveaux clients qui achetaient auparavant auprès de la grande distribution a dû modifier les pratiques des agriculteurs. Ces derniers ont rapidement revu leurs modèles de vente, ouvrant pour certains la vente à la ferme, proposant pour d’autres des distributeurs automatiques bricolés, accélérant pour d’autre le recours à la vente en ligne et la distribution chez le client. Bref, les agriculteurs ont fait preuve à la fois d’agilité et d’innovation en très peu de temps.
Des entrepreneurs agiles comme dans les start-ups
L’agriculture a parfois l’image d’un secteur conservateur qui a du mal à entreprendre les changements. Or, ces exemples non exhaustifs, montrent que les agriculteurs sont capables d’une grande réactivité et d’un esprit d’innovation. Bien sûr, la situation fait qu’ils n’ont pas le choix. Il en va de la pérennité de leurs exploitations : s’adapter ou périr ! Mais c’est aujourd’hui le commun de beaucoup d’entrepreneurs, quel que soit le secteur. Par ailleurs, on voit que les agriculteurs n’attendent plus les décisions de leurs institutions : ils entreprennent les changements sans attendre qu’on leur donne la direction à prendre.
C’est tout à fait révélateur d’une nouvelle posture : alors que l’agriculture a été pendant longtemps un secteur administré, le monde agricole prend désormais ses distances, laissant les décisions tardives, contradictoires et peu pragmatiques aux gouvernants. Bien sûr, le secteur reste soumis à d’importantes contraintes administratives et environnement auxquelles les agriculteurs se plient. Mais concernant leur business, les agriculteurs ne se laissent plus dicter leur loi. Ils sont de vrais entrepreneurs, agiles et indépendants !
Roland Condor, titulaire de la chaire Modèles entrepreneuriaux en agriculture EM Normandie, professeur associé en entrepreneuriat