Le numéro 3 de la Revue Interdisciplinaire Droit et Organisations (RIDO) vient de paraître !
Le troisième numéro de la Revue Interdisciplinaire Droit et Organisations (RIDO) vient de paraître. Cette nouvelle publication met à l’honneur des travaux de recherche interdisciplinaires d’un grand intérêt sociétal.
Ainsi, l’étude du professeur Philippe Corruble, nous permet de voir de manière approfondie le contrôle des concentrations des entreprises. En ce domaine, le règlement européen a créé un cadre structurant le Marché Unique Européen. Ce faisant, ce règlement assure une certaine sécurité juridique des opérations de fusion-acquisition, sans qu’il soit encore stabilisé dans sa mise en œuvre. Les entreprises ont alors adapté leurs stratégies d’acquisition en développant un dialogue permanent avec la Commission européenne, en amont et en aval de la notification des opérations de fusion-acquisition. Or, la multiplication des acquisitions de jeunes pousses technologiques par des entreprises puissantes, a perturbé le système de contrôle des concentrations. Cette étude montre les perspectives d’évolution sur la capacité d’anticipation des entreprises qui dépasse ce que prévoit le règlement européen, dans le cas spécifique de l’économie numérique, emprunte d’innovation disruptive.
La disruption entendue comme un processus global de transformation sectorielle, heurte les compétences clés et les modèles économiques des entreprises traditionnelles. L’étude du professeure Valery Michaux présente l’originalité de s’intéresser aux innovations disruptives dans le secteur de l’automobile. Les théories des systèmes sociotechniques comportent un intérêt particulier. Les changements au sein de l’environnement créent des pressions et le régime sociotechnique se déstabilise. Ces tensions créent alors de nouvelles opportunités. En envisageant le verrouillage institutionnel, le développement de l’innovation de façon incrémentale est abordé en montrant alors que les innovations disruptives ne peuvent être développées qu’en dehors du système. La dynamique de transition ou de déverrouillage institutionnel est envisagée à travers la perspective multiniveau. Progressivement, les innovations disruptives sont adoptées et un nouveau système sociotechnique est mis en place au sein de l’entreprise. Cette étude présente un intérêt notable d’envisager une prospective sur l’adaptation des entreprises eu égard au développement des technologies disruptives, afin de ne pas se trouver dans une situation d’échec comme l’entreprise Kodak a connu.
Sur un autre plan, les salariés participent et œuvrent directement au développement de l’innovation au sein des entreprises. Celles-ci alors soumises à des normes de concurrence exponentielle, font évoluer les modes de management et conduisent à mettre en place le travail à flux tendu. Dès lors, la gestion du personnel peut aboutir à la rupture de la relation entre employeur et salarié. La rupture du contrat de travail impose qu’elle soit justifiée par un motif réel et sérieux. Lorsque ce motif fait défaut, le salarié est en droit de réclamer réparation au conseil des prud’hommes. Or, la flexibilisation du travail a abouti à la mise en place d’une certaine « barémisation » de la justice. En effet, l’une des ordonnances du 22 septembre 2017 consacre le barème d’indemnisation des licenciements injustifiés. Or, ce barème a été plusieurs fois contesté et a conduit à des interrogations sur la rationalisation du comportement abusif de certains employeurs. Pour autant, jugé conforme aux engagements internationaux de la France, ce barème est à première vue consolidé. Il participe à la prévisibilité des sommes à verser par les entreprises lorsque celles-ci licencient abusivement les salariés.
Toutefois, il n’en demeure pas moins que le principe de la barémisation heurte certains principes du droit. L’étude de Monsieur Cédric Porteron consiste en une critique fondée sur l’évolution des décisions des juges. Cette critique permet de réfléchir à nouveau sur l’objet de l’indemnisation d’un licenciement infondé.
D’une manière plus critique, le questionnement de la place de l’entreprise et celle de la singularité de la société sont posées par le professeur Monsieur Andreu Solé. Son étude aboutit à la critique des : « libéralisme », « capitalisme » et « néolibéralisme ». Ces termes sont en effet, associés par de nombreux chercheurs en sciences humaines. Cet article démontre que le libéralisme classique, non autoritaire, d’Adam Smith est une utopie ; que le terme « capitalisme » comprend une confusion majeure lorsqu’il est lié au marché et à l’entreprise. L’étude fait également une critique du néolibéralisme. Le « néolibéralisme » de Hayek et de Friedman, est abordé sous un angle sociétal et l’étude fait ressortir que ce néolibéralisme n’est pas du libéralisme. Ensuite, en abordant l’organisation de la société, il est mis en évidence que celle-ci est organisée par et pour les entreprises, au point de proposer la formulation de « Entreprise-Monde ».
Dans le même sens, l’étude du professeur Jean-Luc Moriceau présente une grille de lecture plus particulière en s’attachant au commentaire de l’ouvrage de Monsieur Grégoire Chamayou (La Société ingouvernable). D’après Monsieur Moriceau, cet ouvrage montre « la manœuvre » notamment dans le dialogue entre les parties-prenantes des organisations. Les conséquences du libéralisme autoritaire agissent bien au-delà de la sphère économique : elles impriment les subjectivités et les formes de vie ; elles accroissent notamment les inégalités et iniquités. L’intérêt de cet article réside dans le fait de présenter des questionnements sur l’évolution de la société, sa normativité et les dérives humaines à travers le développement de l’ultra-libéralisme.
Sur un plan plus géopolitique, l’étude du professeur et doyen Christian Vallar met en évidence les différentes relations que certains Etats entretiennent avec les autres créant des zones de conflit, mais aussi des relations étroites. L’exemple de la Turquie est alors traité de manière habile en s’appuyant sur une actualité riche. Les rapprochements mais aussi les conflits, montrent une quête substantielle du développement de l’économie des hydrocarbures, de même qu’une volonté d’extension de la Turquie. Ainsi, le néo-ottomanisme conduit la Turquie à étendre ses partenariats avec l’Azerbaïdjan, ce qui permet de mettre en place de nouvelles règles d’acheminement du pétrole et du gaz.