Y aura-t-il des semi-conducteurs pour Noël ?

Photo : Y aura-t-il des semi-conducteurs pour Noël ?

La pénurie de semi-conducteurs que le monde connaît depuis maintenant près de deux ans affecte fortement les secteurs utilisateurs qui rencontrent des difficultés à se procurer des composants électroniques à bon prix.

Bien sûr, les tensions entre l’offre et la demande ne sont pas nouvelles dans le secteur et font même l’objet d’une attention particulière depuis plusieurs années maintenant. Comme nous l’avions montré dans un travail de recherche en 2012, les ventes de semi-conducteurs se caractérisent en effet par une cyclicité importante. Le secteur nécessite beaucoup de recherche et développement (R&D) et des investissements lourds pour la production. L’offre s’adapte donc difficilement à une demande toujours plus exigeante et changeante.

Cependant, l’accumulation, depuis avril 2020, de facteurs aggravants a rendu la situation d’autant plus difficile : mesures de restriction sanitaires, saturation des capacités de production, hausse de la demande, etc. Actuellement, le secteur automobile rencontre par exemple d’importantes difficultés, mais ce n’est pas le seul. Plus largement, des craintes émergent concernant les fêtes de Noël et les achats qui y sont associés.

Les entreprises utilisatrices de semi-conducteurs dépensaient, en 2020, près de 450 milliards de dollars américains pour acheter des puces. Pour comprendre celles qui sont les plus concernées par la pénurie, il suffit de regarder les entreprises les plus gourmandes en semi-conducteurs. Apple est la première d’entre elles. L’entreprise consomme 11,9 % des semi-conducteurs produits dans le monde. Suivent Samsung Electronics (8,1 %), Huawei (4,2 %), Lenovo (18,6 %), Dell Technologies (16,6 %).

Sans ambiguïté, pour être certain d’avoir un cadeau sous le sapin le 25 décembre, et surtout sans avoir ruiné le père Noël, il faut éviter de mettre sur sa liste des produits électroniques grand public : téléphones, ordinateurs, tablettes… 68 % des enfants âgés de 12 à 14 ans en France possèdent un smartphone et 66 % un ordinateur portable/PC, le problème n’est donc pas anodin.

Cependant, d’autres produits de la liste risquent de poser problème. Nintendo a déjà fait savoir qu’ils avaient produit beaucoup moins de consoles Switch que prévu en 2021. C’est l’une des consoles de jeux vidéo les plus recherchées dans le monde, donc l’une de celles les plus présentes sur les listes de Noël.

Les jouets intelligents, mi-jouets, mi-objets connectés, qui possèdent leur propre intelligence grâce à de l’électronique embarquée (robots éducatifs, etc.), sont aussi très nombreux à figurer parmi les cadeaux les plus prisés. Ils représentaient déjà en 2020 un marché en pleine croissance de 8,38 milliards d’euros, selon IDATE DigiWorld.

Au-delà de ces objets dont nous avions bien conscience qu’ils devaient être touchés par la crise, une très grande partie de jouets, même les plus simples, contient de l’électronique. La pénurie ne sera donc pas sans conséquence sur leur approvisionnement. Si un jouet possède une quelconque interconnexion, comme une application complémentaire, par exemple, c’est qu’il utilise une puce. S’il bouge « tout seul », fait de la lumière ou du bruit, c’est qu’il utilise une puce.

Il s’avère que cette industrie du jouet rencontre de grandes difficultés à se fournir en puces. En effet, elle n’a pas le même poids que l’industrie de l’électronique grand public évoquée plus haut ou encore de l’industrie automobile au centre de l’attention depuis plusieurs mois. Les entreprises de ce secteur ont donc moins de pouvoir de négociation. Elles peuvent moins jouer sur les quantités commandées et n’ont pas de relations privilégiées avec les fabricants de semi-conducteurs. De plus, elles ne pratiquent pas les mêmes marges et sont donc particulièrement exposées aux hausses des prix.

Que faire alors si l’on ne se satisfait pas d’un Noël avec des jouets « traditionnels » et que l’on souhaite malgré tout offrir des produits contenant de l’électronique ?

Le secteur des jeux vidéo est en pleine mutation, passant d’une activité axée sur le produit à un modèle as-a-service. Il est donc possible de jouer, grâce aux services de jeux en streaming, sans console ou ordinateur. Un abonnement ou une carte cadeau pour jeux vidéo en ligne seraient-ils donc la solution ? Malheureusement, les semi-conducteurs sont aussi indispensables pour accéder à ces jeux ou encore pour faire fonctionner les data centers nécessaires à leur fonctionnement. Au-delà du fait que l’impact environnemental de ces pratiques reste préoccupant, elles interviennent aussi sur la demande croissante de puces électroniques.

Il reste une solution pour les consommateurs : se tourner vers des produits de seconde main ou reconditionnés. Toutefois, seulement 21 % des Français pensent acheter ce type de produits en plus grande quantité cette année que l’an dernier.

Finalement et au risque de mécontenter les enfants (mais aussi les adultes) avides de jeux intégrant des semi-conducteurs, la pénurie devrait plutôt pousser les consommateurs à s’interroger sur leurs choix… Les impacts environnementaux liés à la fabrication de semi-conducteurs et la nécessité d’en limiter la production sont connus depuis longtemps. De plus, nous croulons sous les déchets électroniques : nous en avons, par exemple, produit, en 2019, 21 kg par personne en France.

Auteur(s)
  • Photo :

    Mathilde Aubry Titulaire de la Chaire "Management de la Transformation Numérique" - Professeur associé en économie

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