Dans le paysage géopolitique contemporain, divers pays ont décidé de restreindre certains de leurs échanges, afin de développer leur autonomie et leur souveraineté, tout en augmentant conjointement leurs dépenses en technologie de défense. Un tel contexte peut favoriser le développement d’activités de recherche centrées sur les problématiques de défense et peut encourager certains types de coopération scientifique, la question étant alors de déterminer si le phénomène de polarisation observé sur certaines activités existe également au sein de la communauté scientifique travaillant sur les problématiques de défense.
C’est dans cet esprit que nous nous sommes spécifiquement intéressés à la communauté des économistes travaillant sur les problématiques de sécurité et de défense, en étudiant leurs publications dans la revue Defence and Peace Economics, laquelle peut être considérée comme la revue de référence en économie de la défense et donc comme illustrative des efforts de recherche sur ce domaine. Dans un article paru dans cette même revue, nous avons analysé l’ensemble des 1069 articles qui y ont été publiés entre 1994 et 2023, avec pour objectif l’analyse de l’évolution des thèmes abordés et conjointement, l’analyse de ses réseaux de co-auteur.
Notre analyse révèle la présence d’une coopération internationale significative, avec un rôle prédominant des États-Unis et du Royaume-Uni, mais aussi l’intégration d’un ensemble de pays de plus en plus diversifié au fil du temps avec néanmoins un taux de co-publication internationale en baisse sur les cinq dernières années de l’analyse. En ce qui concerne les thèmes abordés dans la revue, le thème central est celui des dépenses militaires et de leur interaction avec la croissance économique. L’évolution thématique de la revue reflète l’intégration des enjeux contemporains de sécurité, en particulier l’analyse des nouvelles formes de guerre et l’évaluation des risques géopolitiques. Par ailleurs, nous avons observé une diversité croissante de sujets dans la revue, ceci pouvant être supposé résulter de l’augmentation significative du nombre d’auteurs observée depuis 2004.
Globalement, nous pouvons supposer, indépendamment de la dynamique de croissance de la revue, que l’expansion et la diversification des réseaux de co-auteurs reflète un intérêt croissant pour les problématiques d’économie de la défense. La diminution observée de coopération internationale sur la période 2019-2023 peut, quant à elle, avoir diverses explications : le COVID-19, une augmentation significative du nombre global d’auteurs avec une tendance potentielle à rechercher des collaborations au sein de leurs réseaux locaux ou nationaux, ou encore des politiques de financement de la recherche favorisant davantage les coopérations locales ou nationales sur certains sujets.
Même si le cœur des publications de la revue a toujours porté sur la relation entre dépenses militaires et croissance, nous avons observé que les thèmes de publication reflètent l’évolution des défis de notre société en termes de sécurité et de défense, à un niveau tant local que global. Cependant, et de manière surprenante, seule une minorité des auteurs de la revue semble porter ses efforts de recherche sur les problématiques technologiques de la défense, l’innovation et la R&D étant relativement distantes du cœur des publications de la revue, même dans les périodes les plus récentes. Nous y voyons donc bien évidemment là des opportunités possibles de recherche, même s’il est fort probable que l’accès aux données portant sur certaines technologies de défense soit quelque peu difficile.