En contraignant les individus à travailler depuis leur domicile, la pandémie du Covid-19 aura été un accélérateur sans précédent de l’adoption massive du télétravail, faisant par la même occasion chuter le taux d’occupation des bureaux. Dans ce contexte, et en gardant bien en tête que les locaux représentent le deuxième poste de dépenses des entreprises juste derrière les salaires, beaucoup de directions adoptèrent le système du Flex-Office : les bureaux ne sont désormais plus attribués aux salariés de manière permanente, car c’est au jour le jour que la place de chacun se détermine, en fonction des disponibilités quand on arrive.
Avec un tel système de bureaux non-attribués, il est possible alors de proposer moins de postes de travail qu’il n’y a d’employés, en misant sur la rotation du personnel présent sur site.
Le taux de Flex se calcule en divisant le nombre de postes de travail disponibles par le nombre total d’employés. Dès lors, le Flex est particulièrement avantageux lorsque les employés bénéficient de télétravail de manière régulière puisque cela fait baisser le taux de besoin de bureaux et augmente celui de places disponibles. En cela, le Flex-Office est bien flexible puisqu’il n’est plus nécessaire de procéder à des aménagements de bureaux lorsqu’on recrute de nouveaux collaborateurs ou que d’autres partent.
Coté employés, le Flex était déjà mis en pratique avant la pandémie (généralement dans de grands groupes en Ile de France) mais il était assez impopulaire, car il empêche l’appropriation de son espace à soi, il brouille les rituels du matin, cause parfois des stratégies de réappropriation “sauvage” de places, ou encore de l’iniquité lorsque les managers conservent leur bureau mais pas leurs équipes, sans justification recevable. Dès lors, la stratégie usuelle des organisations consistait à changer le nom de l’aménagement, on n’annonçait ainsi plus de Flex-Office mais on parlait plutôt de “bureau dynamique”, “clean desk”, “hot desk”, etc. sans que cela ne trompe : un bureau non-approprié est par essence un Flex-Office.
Néanmoins, avec la pratique du télétravail – d’abord à marche forcée, puis par choix – les individus ont appris à s’organiser différemment à domicile et y à trouver de nombreux intérêts, et en premier lieu, ce que l’entreprise ne permettait plus d’avoir sur son lieu de travail : un espace calme et silencieux, propice à la concentration. Aujourd’hui la majorité des études menées confirment sans ambiguïté que les employés tiennent au télétravail pratiqué de manière alternative, perçu comme un avantage. De fait, dans une logique de donnant-donnant, le Flex-Office jumelé au télétravail hybride est nettement mieux accepté par les salariés.
Néanmoins, de grandes entreprises américaines déclarent désormais souhaiter contraindre leurs employés à revenir au bureau cinq jours sur sept, arguant de la disparition du collectif…les mêmes entreprises qui avaient vanté le télétravail 3 ans auparavant, et avaient donc massivement adopté le Flex-Office (et les économies qu’il permet). Or : comment faire revenir tous les salariés au travail tous les jours alors même qu’il n’y a plus autant de bureaux qu’il y a d’employés ? Dans cette configuration, le Flex est ainsi moins flexible qu’il n’y parait.
Sources :
– Minchella, D (2021) ‘Espaces de travail. Nouveaux usages et nouveaux enjeux’ DUNOD.
– Minchella, D (2020) ‘Les Entreprises à l’heure du Flex-Office : Enjeux, Vécus et Représentations’. Editions : L’HARMATTAN.
– Cochard N & Minchella D (2022) “Le Flex office : quels enjeux pour les organisations et les utilisateurs ?” in La digilisation du travail : nouveaux espaces et nouvelles temporalités de travail, edited by Vayre E (Univ Lyon 2), ISTE Group Editions. English version of the book: Digitalization of Work: New Spaces and New Working Times.