Qualité de vie au télétravail : entreprises et salariés sont-ils prêts ?

Photo : Qualité de vie au télétravail : entreprises et salariés sont-ils prêts ?

Depuis le passage au stade 3 de la pandémie du Covid-19, le télétravail est devenu impératif pour tous les postes de travail qui le permettent (Ministère du Travail, 16 mars 2020). Cette pratique désigne « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication » (Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 – art. 21).Depuis le passage au stade 3 de la pandémie du Covid-19, le télétravail est devenu impératif pour tous les postes de travail qui le permettent (Ministère du Travail, 16 mars 2020). Cette pratique désigne « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication » (Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 – art. 21).

Le télétravail restait jusque-là un choix embryonnaire en France, ne concernant que 7% des salariés (DARES, 2019). Il est non seulement en passe de devenir une pratique répandue : 8 millions de Français auraient basculé en télétravail pour éviter les déplacements et lutter ainsi contre la propagation du Covid-19  ; mais ses modalités ont été amendées : il peut désormais s’effectuer sans l’accord du salarié (article L 1222-11 du code du travail), et s’exercer avec les enfants à la maison…

S’il est correctement préparé et organisé, le télétravail permet une meilleure qualité de vie du fait de la souplesse offerte aux salariés dans la gestion de leur temps de travail (Dumas et Ruillier, 2014). Les bénéfices démontrés du télétravail pour le salarié et pour l’entreprise sont nombreux: autonomie, gain de temps, liberté d’organisation, réduction du temps de transport, de la fatigue et des coûts liés aux trajets domicile-travail, meilleure concentration, gain de productivité, diffusion de nouvelles technologies, baisse de l’absentéisme, meilleur équilibre entre travail et vie personnelle, image de l’entreprise (Gajendran et Harrison, 2007).

Néanmoins, les défis sont également multiples. Le télétravail modifie les repères spatio-temporels des salariés et accentue la porosité des frontières entre les différentes sphères de vie. Cette porosité peut engendrer une intrusion du travail dans la vie privée (plus fréquente) et/ou l’empiètement de la famille sur le travail. Cette configuration est particulièrement vraie dans le contexte actuel où la présence de la famille aux horaires de travail peut induire des interruptions qui le perturbent, des difficultés à se concentrer, associées souvent au sentiment de ‘devoir’ envers la maison ou la famille qui favorise l’éparpillement et la culpabilisation du fait d’une moindre productivité.

De nombreuses études mettent en lumière les conditions de réussite du télétravail : conditions techniques et matérielles bien-sûr, mais aussi conditions humaines. A un niveau individuel, elles soulignent l’importance de la segmentation et des stratégies d’endiguement pour limiter la confusion des genres entre sphères privée et publique :

  • Disposer d’un espace de travail dédié et séparé des autres espaces collectifs de la maison afin de faciliter la mise en condition ‘mentale et physique’ du travail;
  • S’imposer des limites pour éviter la surcharge: savoir « quand arrêter le travail » devient une compétence à part entière ;
  • Se fixer des objectifs et des rituels (objectifs à atteindre, pauses…) ;
  • S’imposer des règles pour limiter les distractions et en informer ses proches ;
  • Ne pas s’isoler de sa communauté et continuer à communiquer avec ses équipes, sans pour autant tomber dans les dérives de démontrer sa disponibilité et son implication à toute heure de la journée. Vous n’êtes pas un chatbot disponible 24h/24 et 7jours/7.

A un niveau organisationnel, les entreprises doivent garantir des conditions techniques de travail adaptées et doivent accompagner leurs salariés dans cette segmentation et ce changement de culture. Le télétravail est un changement de paradigme (Dudézert, 2019), une nouvelle philosophie qui doit amener l’organisation et ses managers à repenser leur mode de fonctionnement, leurs modalités de coopération, d’évaluation et de confiance, afin d’intégrer le fait que ‘le management de visu’ n’est plus le seul mode de management possible. Or, “l’accompagnement de la transformation de l’organisation du travail liée au télétravail est absent dans la majorité des entreprises. Il est encore considéré comme allant de soi…” (Les Echos, 2019).

Ainsi, le télétravail requiert un changement de paradigme et une autodiscipline : le télétravail se pense, s’apprend, et s’organise. Certes, la situation sans précédent que nous vivons actuellement aura incontestablement un impact sur l’accès et l’assouplissement des politiques de télétravail des entreprises. Toutefois, ce contexte singulier rend les conditions d’exercice de celui-ci bien différentes de la nature du télétravail habituel : le télétravail est aujourd’hui contraint, quotidien et se juxtapose à la garde des enfants. Des circonstances exceptionnelles qui peuvent en exacerber ses pièges et aggraver les risques de surcharge.

Sabrina Tanquerel, Professeur Assistant en Gestion des Ressources Humaines, Développement Personnel EM Normandie

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    Sabrina Tanquerel Professeur assistant en gestion des ressources humaines et développement personnel

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