8% de la population mondiale utilisent des applications de rencontre pour trouver un emploi, nous apprend Usbek et Rica. Les données manquent en France, on peut sans doute imaginer des chiffres comparables. L’appropriation de n’importe quel outil contient nécessairement une part de détournement, à la fois agile, opportuniste et créative. Si les applications de rencontres peuvent permettre de créer des contacts, pourquoi les limiter à la sphère amoureuse ?
Reste que les motifs des jeunes chinois ne sont sans doute pas les mêmes que ceux des européens. Les premiers sont confrontés à une crise qui met au défi leurs capacités de chercheurs d’emploi. Dans leur cas, le détournement de Tinder, dans le contexte du retrait de LinkedIn, est tout simplement une solution de repli. En cas de disette, il faut bien faire feu de tout bois. Le cas européen est sans doute différent. Par ici, l’emploi ne va pas si mal.
Les économistes nous annoncent que le plein-emploi est à notre portée. Et nous sortons d’une séquence plutôt folle en matière de recrutement. Le Covid et le confinement ont bloqué les mobilités et les recrutements pendant presque deux ans. Le rattrapage de ces retards, le retour de la croissance et l’optimisme qui ont suivi le déconfinement ont provoqué un emballement et un « grand recrutement ».
Cette séquence est désormais terminée ; l’heure est à la fidélisation, à l’engagement et au développement des « talents. » Mais la guerre du recrutement qui s’achève n’est sans doute pas sans conséquences sur le rapport au travail des individus. Il fut un temps où les individus habitaient près de leur travail. Les sphères de vie sociales, affectives, associatives ou sportives étaient des conséquences des contraintes de l’emploi. Le mode de travail déterminait le mode de vie.
Pour une part significative des actifs, l’équation semble s’inverser. Les choix de vie déterminent les stratégies d’emploi. On ne surfe pas après avoir trouvé un emploi à Bayonne. On cherche un emploi à Bayonne pour pouvoir surfer. Les choix de carrière se mêlent à des choix de style de vie pour tous. Pas sur que tous les actifs aient les moyens de cette ambition. Et pas sur, non plus, que tous les employeurs aient compris ce changement de modèle.