Delphine Minchella
Il existe environ 700 000 personnes affectées par le spectre de l’autisme à différents degrés en France, et les indicateurs montrent que ce trouble progresse sur notre territoire. Or le taux de chômage chez les autistes sévères avoisine les 100%, et peu de solutions s’offrent à eux si ce n’est le placement dans un foyer sans perspective d’émancipation, mais grâce à l’association VETA nous constatons que l’entreprise peut être un formidable lieu d’inclusion, et ce, pas uniquement pour les jeunes insérés mais pour le bénéfice de la société dans son ensemble.
L’autisme fait partie des « troubles du neurodéveloppement » (TND). Si chez certaines personnes, ce sera indécelable, chez d’autres ce trouble pourra prendre des formes très sévères (absence de verbalisation, retard mental, pathologie grave associée) dans lesquelles la communication avec le monde extérieur semblera a priori quasi-impossible.
De l’expérimentation chez Andros en 2014 à Vivre Et Travailler Autrement
Souhaitant malgré tout que son fils autiste sévère puisse trouver sa place dans le milieu ordinaire, Jean-François Dufresne, alors Directeur Général de l’entreprise Andros, se heurte à un manque patent de solution : Il comprend qu’il doit la concevoir lui-même. Il source un poste dans l’un de leurs sites de production où la répétition d’un nombre limité de gestes parait compatible avec le trouble de son enfant, rassuré par les routines et l’absence d’éléments inattendus. Après un séquençage minutieux et une traduction en pictogrammes des gestes à accomplir, son fils est formé, et son inclusion se concrétise définitivement par la signature d’un CDI en temps partiel au bout de six mois.
Ce premier succès mène à la création de l’association, Vivre Et Travailler Autrement (VETA), afin que d’autres jeunes autistes puissent également trouver leur place – active – au sein de la cité. L’association VETA perfectionne sa méthode d’inclusion globale en opérant une nécessaire coordination entre les différents acteurs : structures étatiques ou de gouvernance locale, porteurs médicosociaux, familles, jeunes autistes, et enfin les entreprises volontaires.
L’entreprise, lieu de vie sociale unique
Dans cet environnement professionnel quotidiennement retrouvé, le jeune travailleur autiste construit peu à peu ses repères ainsi que sa place parmi les autres : il finit par se mêler à eux, déjeune dans la même cantine, participe même aux événements festifs. Au fil des mois et des années, l’inclusion devient complète et peu à peu il est perçu par tous comme un collègue à part entière.
Par ce biais, les familles et spécialistes de l’autisme observent des progrès considérables qui auraient été hors de portée sans le dispositif VETA : sociabilisation accrue, début de verbalisation, jusqu’à une amélioration des tests cognitifs pour certains, les faisant parfois sortir de leur « retard mental » préalablement diagnostiqué.
Ainsi, l’entreprise peut, si elle le veut, offrir un cadre d’insertion sociale unique où le quotidien partagé à proximité d’autrui, avec un rôle à accomplir, permet à l’Autre de se construire, quel qu’il soit.