Un article rédigé par Angélique CHASSY et Sébastien BOURDIN
Fin août 2023, le porte-parole du gouvernement Oliver Véran annonce que le gouvernement pourrait recourir à un nouvel outil de participation citoyenne le Préférendum « ce qui doit être préféré par les citoyens ». Son originalité démocratique repose sur la possibilité aux citoyens de s’exprimer sur plusieurs sujets sociétaux lors d’un même vote réalisé au niveau national. Les résultats seraient une aide à la décision pour le gouvernement. Mais, le Préférendum est-il réellement différent d’un sondage d’opinion grandeur nature, ou est-ce simplement une autre manière pour le gouvernement de donner l’illusion d’une participation citoyenne ?
La présentation qui est en faite du Préférendum par nos gouvernants repose sur une approche Top Down « les propositions viennent d’en haut sans concertation avec les territoires ». Le risque est alors de voir cet outil devenir une simple caisse de résonance politique, sans véritable impact sur la prise de décision. Alors, en quoi ce Préférendum peut-il donner un nouveau souffle démocratique ? Il pourrait devenir un outil utile pour apporter une solution aux problèmes démocratiques des territoires oubliés pour renverser la machine Jacobine c’est-à-dire être l’émanation des besoins territoriaux.
D’autant plus que notre démocratie représentative est en crise au regard de l’abstention croissante dans les élections nationales et locales mais aussi le mouvement des Gilets Jaunes qui a marqué les esprits démocratiques. Cette érosion de la confiance et de l’engagement a des conséquences graves sur la santé globale de notre démocratie. Et, aussi corolaire à cette crise, celle de l’action publique où le Conseil d’Etat en juillet 2023 pointe l’importance de faire participer les citoyens dans l’amélioration des services publics. Par conséquent, faire du « dernier kilomètre » une priorité pour tous les acteurs publics et de donner une véritable place à la démocratie participative.
Le Préférendum pourrait en quelque sorte s’inscrire dans cette tradition de prise en compte des besoins locaux dans une démarche de Bottom up « partir du bas et de remonter aux instances nationales », mais cela reste à voir. Il pourrait théoriquement s’appuyer sur des Conseils de Citoyens composés d’habitants dits « citoyens ordinaires » tirés au sort ou volontaires et des représentants d’associations ou d’autres acteurs locaux. Ces conseils pourraient formuler les questions sur des sujets sociétaux posées lors du Préférendum national. Mais si ces conseils n’ont pas de réel pouvoir de décision, ce qui explique que beaucoup d’entre eux sont en sommeil ou un simple outil de communication politique, alors leur utilité et leur impact sont remis en question. En effet, il n’existe à ce jour aucun cadre juridique pour rendre l’expertise citoyenne utile. Une clarification de cette dynamique est donc essentielle pour garantir l’efficacité du dispositif.
Il est important de donner une valeur juridique à la parole citoyenne. Ce n’est qu’en donnant des dents à ces mécanismes que le gouvernement pourra véritablement affirmer qu’il prend la démocratie participative au sérieux. Celle-ci ne se limite pas à la collecte d’opinions. Elle doit être un véritable outil de co-construction entre les citoyens et l’État. Sinon, le Préférendum, malgré toute sa promesse, ne sera rien de plus qu’un exercice de relations publiques creux. La mise en place des Conseils de Citoyens locaux doit être une obligation constitutionnelle instituée par l’Etat sous l’égide des Préfectures et en collaboration avec les collectivités territoriales à l’exemple de la présence obligatoire des citoyens dans la gouvernance de la Politique de la Ville.
On pourrait aller plus loin en créant des délégations citoyennes sur « un mandat citoyen » limité pour la société civile à l’exemple des délégations syndicales ou d’élus politiques en activité professionnelle. Ces délégations permettraient de mieux mobiliser les citoyens dont dépend le principe de représentativité. Les citoyens pourraient disposer d’un temps raisonnable pour s’investir dans les Conseils de Citoyens. Il doit donc s’opérer un dialogue social avec les employeurs pour libérer les salariés en sachant que la démocratie participative est intrinsèquement liée à la capacité d’agir des citoyens.
Enfin, il est important de prévoir un temps circonscrit dans le mandat citoyen afin de permettre le renouvellement des profils citoyens. Ensuite, lorsque les citoyens ont le sentiment que leur voix compte, cela renforce non seulement leur engagement civique, mais aussi leur confiance dans les institutions démocratiques. En revanche, si le processus participatif est perçu comme superficiel ou comme une simple formalité sans conséquence réelle, cela peut avoir l’effet inverse. Par conséquent, les Conseils de Citoyens devront être mobilisés sur des vrais enjeux sociétaux c’est-à-dire de proposer des questions sur des grands projets d’intérêt général dans le Préférendum national.