Mayotte, la région française la plus pauvre et inégalitaire de l’Union européenne, fait face à deux cyclones : celui des catastrophes naturelles et celui, plus insidieux, des fractures sociales et économiques. Alors que le cyclone Chido a causé des dégâts considérables, les vulnérabilités structurelles de l’île amplifient les effets de ces crises à répétition. Pourtant, ces défis peuvent constituer une opportunité de transformation si des politiques adaptées sont mises en œuvre. Voici trois pistes pour reconstruire un avenir résilient et équilibré.
1. Une refonte de la départementalisation française
Depuis son accession à la départementalisation en 2011, Mayotte reste prisonnière d’un modèle de développement standardisé, inadapté à ses spécificités. Avec 77 % de sa population vivant sous le seuil de pauvreté et un chômage atteignant 37 %, les écarts avec l’Hexagone persistent, malgré d’importants efforts financiers. Les politiques ultramarines doivent évoluer vers une approche différenciée, reconnaissant les particularités locales. Pour Mayotte, cela pourrait se traduire par un “plan Marshall” axé sur la démographie, l’éducation et les infrastructures de base, notamment l’accès à l’eau et au logement. Cette adaptation est essentielle pour briser les cycles de dépendance économique et réduire les inégalités structurelles.
2. Une intégration régionale renforcée dans l’océan Indien
Mayotte ne peut prospérer en restant isolée dans une région marquée par des flux migratoires et des disparités économiques. En tant que département français, l’île bénéficie d’un statut particulier, mais cela l’expose également à des tensions sociales exacerbées. Renforcer les liens avec La Réunion et les pays voisins permettrait de développer une coopération régionale, notamment dans les secteurs de l’énergie et de la sécurité alimentaire. L’exploitation des ressources naturelles, comme le gaz, et une meilleure coordination géopolitique dans le cadre de la stratégie Indopacifique de la France, pourraient repositionner Mayotte comme un acteur clé de la région.
3. Une politique européenne de soutien adaptée
L’Union européenne joue déjà un rôle crucial à Mayotte, notamment à travers les fonds dédiés aux Régions Ultrapériphériques (RUP). Cependant, un changement de paradigme est nécessaire pour mieux répondre aux crises spécifiques de ces territoires. S’inspirant des politiques de cohésion européennes, il est possible de concevoir des outils innovants adaptés aux réalités insulaires, tels que des programmes pour la transition énergétique ou l’économie circulaire. L’utilisation de l’article 349 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne pourrait permettre de mobiliser davantage de ressources pour soutenir un développement durable et inclusif à Mayotte.
Une opportunité de transformation
Ces trois pistes – refonte des politiques nationales, intégration régionale et soutien européen renforcé – forment un triangle d’opportunités pour Mayotte. Plus qu’un simple catalogue de solutions, elles dessinent un cadre stratégique pour transformer l’île en un modèle de résilience et d’innovation. Pour réussir, cela nécessitera une coordination entre l’État, l’Union européenne et les acteurs locaux, afin de conjuguer solidarité et adaptation aux réalités locales.
Mayotte, malgré ses défis, incarne également une promesse : celle de démontrer qu’un territoire vulnérable peut devenir un exemple de reconstruction durable et de justice sociale.
Comme le dit la devise mahoraise, Ra Hachiri – “Nous sommes vigilants”. Cette vigilance doit se traduire par des actions concrètes, dès maintenant.