David Moroz
Les LEGO ne sont plus uniquement des jouets pour enfants : ils sont aussi devenus des objets de collection prisés, avec un marché de seconde main particulièrement dynamique. À l’instar de certaines marques de luxe comme Pandora ou Hermès, le Groupe LEGO suscite chez ses clients le désir de collectionner, en développant des gammes variées et parfois éphémères. Lorsqu’une gamme – chez LEGO, un thème – est abandonnée, les collectionneurs se tournent vers le marché de l’occasion et notamment vers la plateforme de vente en ligne BrickLink, acquise par le Groupe LEGO en 2019.
C’est sur cette plateforme que nous avons mené une étude récemment publiée dans Applied Economics visant à mieux comprendre les dynamiques de prix sur le marché secondaire des sets LEGO.
Pour cela, nous avons analysé un ensemble de 7 585 sets LEGO différents, répartis en 107 thèmes, représentant un total de 227 920 lots disponibles à la vente sur BrickLink en 2019. Ces données nous ont permis d’étudier le marché avant toute influence liée à l’acquisition de la plateforme par le Groupe LEGO.
Notre analyse a intégré un ensemble de variables rarement combinées jusqu’ici : nombre total de pièces d’un set, diversité des pièces, présence de figurines, rareté du set sur la plateforme, ancienneté et statut du thème (encore en production ou non), performance historique des prix par thème, etc.
Parmi les résultats les plus marquants, nous avons confirmé que les sets les plus grands — c’est-à-dire avec un nombre élevé de pièces — se revendent plus cher. Ce n’est pas surprenant : les amateurs de LEGO apprécient les longs montages, souvent associés à des constructions emblématiques. Plus original, nous avons aussi montré que la diversité des pièces (nombre de pièces différentes au sein d’un set) augmente elle aussi la valeur du set, ceci s’expliquant potentiellement par le fait qu’une plus grande diversité de pièces renforce la difficulté et donc l’intérêt de l’assemblage. La simple présence de figurines, quant à elle, accroît le prix de plus de 40 %, indépendamment de la taille du set.
La rareté joue bien évidemment également un rôle crucial : plus un set est demandé et peu disponible, plus son prix est élevé. Cependant, c’est l’effet du thème d’appartenance qui nous a le plus intéressés. Tout d’abord, certains thèmes, plus populaires, comme Star Wars™, sont plus valorisés. Toutefois, nous avons aussi mis en évidence ce qui est nommé, dans la littérature économique sur les marchés de l’art, un « effet de mort » : les sets issus de thèmes retirés de la vente voient leur prix augmenter d’environ 16 % en moyenne, et cet effet est d’autant plus fort que le thème est ancien. Le phénomène est similaire à ce qui est déjà été observé sur le prix des œuvres d’art suite au décès de leur créateur.
Ces résultats ont des implications concrètes pour les entreprises vendant des biens de collection. En effet, mieux comprendre les dynamiques des marchés de seconde main peut les aider à ajuster les stratégies de lancement et d’arrêt de gammes, et à renforcer la fidélité des clients-collectionneurs. Enfin, sur le plan environnemental, les marchés de seconde main bien structurés contribuent à limiter le gaspillage et à prolonger la durée de vie des produits — un enjeu critique pour une marque comme LEGO, encore confrontée à l’utilisation de plastiques non renouvelables.