Par Roland Condor, Titulaire de la chaire Modèles Entrepreneuriaux en Agriculture.
Le 21 octobre, la Région Normandie, l’EM Normandie, Logistique Seine Normandie et l’Institut Supérieur d’Etudes Logistiques (ISEL) co-organisent une journée dédiée à la logistique des produits fermiers locaux. L’occasion de rappeler que la vente de produits fermiers locaux est en plein essor et que pour faire face à cette croissance, de nouveaux modèles logistiques doivent être imaginés.
Des circuits courts aux circuits alimentaires de proximité
Le commerce de produits fermiers locaux a longtemps été restreint aux circuits courts, c’est-à-dire à un mode de distribution caractérisé par au maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur. Mais ce terme, apparu à la fin des années 2000 est en train de disparaître au profit d’un autre terme qui fait plus la part belle à la proximité qu’au nombre d’intermédiaires : le circuit alimentaire proximité. Un circuit alimentaire de proximité est un réseau de distribution de produits fermiers local qui promeut le locavorisme (la consommation de produits cultivés et élaborés à proximité) et qui n’exclue pas la présence de plusieurs intermédiaires quand les flux de produits locaux le nécessitent. On peut, en effet, en raison des volumes traités, de questions sanitaires, de bilan carbone, d’organisation du travail ou de maitrise des coûts passer par plusieurs intermédiaires qui vont gérer les flux physiques et informationnels liés à l’acheminement des produits fermiers au consommateur. Les intermédiaires du transport et de la logistique voire les enseignes de la grande distribution ne sont plus contraires à l’idée de circuit de proximité mais plutôt partenaires de tels circuits.
Un marché en pleine croissance
Jusqu’à une période récente les flux de produits fermiers locaux n’étaient pas très importants, le locavorisme restant une niche de marché. Dans un tel contexte, des circuits conventionnels comme la vente à la ferme, les marchés couverts ou mêmes les plateformes comme Laruchequiditoui pouvaient suffire. Mais un changement important est intervenu à la fin de l’année 2018 avec le vote de la loi Egalim qui a instauré l’obligation pour la restauration collective publique de proposer des produits locaux durables dans les assiettes. A cette loi s’ajoute celle dite « Climat et résilience » adoptée par le parlement pendant l’été 2021 qui a étendu cette obligation à la restauration collective privée ainsi que les initiatives de régions comme la Normandie qui veulent jouer à fond la carte du local. Résultat : les flux de produits locaux sont amenés à croître fortement dans les prochaines années soulevant d’importantes questions sur le plan de la logistique.
Des modèles logistiques à réinventer
Les travaux de recherche sur la croissance des petites et moyennes entreprises l’ont mis en avant depuis longtemps : qui dit croissance, dit grincements dans les rouages organisationnels. Lorsqu’une entreprise choisit de prendre le chemin de la croissance, elle doit investir, modifier son organisation, recruter et revoir ses processus logistiques. Les modèles artisanaux ou adaptés à une certaine taille doivent être abandonnés ou modifiés. En matière de produits fermiers locaux, tous ces principes s’appliquent : il faut augmenter la production, agrandir les zones de stockage et de manutention, augmenter la charge de travail en matière de traitement et la préparation des commandes, modifier son emploi du temps, recruter, déléguer, manager… Beaucoup d’agriculteurs aujourd’hui préfèrent garder la main sur leur activité ou bien s’arrangent avec d’autres agriculteurs en mutualisant. Mais si cette situation est encore tenable, il est nécessaire de se projeter et de s’interroger sur la capacité des chaines logistiques conventionnelles à assumer leur fonction d’approvisionnement. Cela suppose de trouver de nouveaux modèles logistiques comme l’externalisation du transport et la création de hubs locaux et de s’interroger sur la coordination des acteurs au sein de ces nouvelles chaînes logistiques. Une attention doit, par ailleurs, être prêtée au bilan carbone des circuits de proximité, sujet qui concerne tous les acteurs de la fourche à la fourchette.
La journée du 21 octobre sera l’occasion d’échanger sur le sujet et d’entrevoir les défis et solutions qui s’offrent aujourd’hui aux acteurs locaux.