FMI : pourquoi, quand et comment le Fonds monétaire international intervient dans un pays

Photo : FMI : pourquoi, quand et comment le Fonds monétaire international intervient dans un pays

La Grèce au bord de la faillite (2008-2010) ou l’Argentine contrainte de dévaluer sa monnaie (2023)… dans chaque crise économique majeure, une institution revient sur le devant de la scène : le Fonds monétaire international (FMI). Mais quel est le rôle exact de cette institution fondée en 1944 ?

Institution créée en vertu des accords de Bretton Woods, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) a pour mission de préserver la stabilité du système monétaire international. Comment ? À travers son triple mandat : la surveillance économique de ses 191 pays membres, l’expertise en matière de politique économique et le déploiement de ses instruments financiers en cas de déséquilibres macro-économiques.

Le FMI n’impose jamais ses interventions. Les pays en butte à des crises économiques spécifiques sollicitent eux-mêmes son aide. Ces programmes soulèvent un dilemme entre efficacité macro-économique et coûts sociaux. Au fil des décennies, son rôlen’a cessé d’évoluer, tout en conservant les fondements de son mandat d’origine.

Dans quelles circonstances le FMI intervient-il dans un pays ?

L’intervention du FMI constitue une mesure d’exception, lorsque plusieurs indicateurs macro-économiques se détériorent simultanément. L’histoire des crises financières révèle des dynamiques similaires : déséquilibre aigu de la balance des paiements, chute des réserves de change, accélération de l’inflation, dette publique dépassant des seuils soutenables (60-90 % du PIB), ou encore fuite de capitaux étrangers. Dans ces situations critiques, le pays concerné ne parvient plus à se financer sur les marchés internationaux à des taux acceptables. Le FMI assure alors le rôle d’un prêteur de dernier ressort. L’institution intervient pour garantir le financement de l’économie et pour éviter un effondrement brutal. Son action vise à restaurer la confiance des marchés et à limiter les risques de contagion à d’autres pays.

Les interventions du FMI sont soumises à une conditionnalité, souvent critiquée, visant à garantir le remboursement du prêt et la stabilisation macro-économique.

Le FMI propose une gamme d’instruments financiers, adaptés aux besoins spécifiques des pays.
Les accords de confirmationsont les plus connus. Le FMI met à disposition d’un pays membre une ligne de crédit sur une période déterminée, généralement un à deux ans. En contrepartie, le pays s’engage à mettre en œuvre un programme de réformes économiques défini, comme la réduction des déficits publics, des réformes fiscales ou la libéralisation de certains secteurs. Les décaissements sont effectués par tranches, à mesure que le pays respecte les conditions convenues. À l’autre extrémité du spectre, les lignes de crédit modulabless’adressent aux pays dont les fondamentaux économiques sont solides.

Elles agissent comme une assurance contre les chocs externes imprévus, sans imposer de programme d’ajustement structurel au pays bénéficiaire. Ces instruments offrent un accès immédiat et sans conditionnalité ex post à des ressources importantes. Les facilités concessionnelles, telles que la facilité élargie de crédit, ciblent les pays à faible revenu. Ces instruments intègrent désormais les Objectifs de développement durable (ODD). Ce mécanisme de prêt offre des conditions particulièrement avantageuses : des taux d’intérêt très bas, voire nuls, et des périodes de remboursement longues généralement avec un différé de remboursement de cinq ans et demi, et une échéance à dix ans.

L’accès à ces ressources est conditionné à des réformes adaptées aux besoins spécifiques du pays bénéficiaire : transparence budgétaire, amélioration de la gouvernance, ou encore développement de filets de sécurité sociale.

Illustrations en Argentine, en Grèce et en Tunisie

L’Argentine incarne les difficultés persistantes que rencontrent certains pays dans leur relation avec le FMI. Après l’effondrement économique de 2001, causé par un régime de change rigide et une dette externe insoutenable, le pays reçoit plus de 20 milliards de dollars d’aide. Les mesures d’austérité imposées exacerbent la crise sociale, nourrissant une méfiance durable envers le FMI. En 2018, l’institution aux 191 membres intervient de nouveau avec un prêt recordde 57 milliards de dollars, soit le prêt le plus important de son histoire. Les résultats restent mitigés. Le FMI assumant :
« Le programme n’a pas atteint les objectifs de rétablissement de la confiance dans la viabilité budgétaire et extérieure, tout en favorisant la croissance économique. L’accord a été annulé le 24 juillet 2020. » En 2018, de nombreuses manifestations sont organisées en Argentine contre la politique du FMI.

La Grèce : quand l’austérité devient la seule voie de sortie

La crise grecque entre 2010 et 2015 reste l’un des épisodes les plus scrutés de l’histoire récente de la zone euro. Tout commence lorsque le gouvernement hellène révèle un déficit budgétaire bien supérieur aux chiffres officiels. En réponse, le FMI et l’Union européenne mettent en place un plan de sauvetagede 110 milliards d’euros. Les réformes exigées – baisse des retraites, privatisations massives, hausses d’impôts – plongent le pays dans une récession profonde. Le chômage explose, la pauvreté s’installe, et la colère sociale augmente. Si la stabilité budgétaire est progressivement restaurée, le coût humain et politique reste lourd. La Grèce devient le symbole d’une austérité imposée, alimentant un euroscepticisme durable.

La Tunisie : une transition démocratique qui freine les réformes économiques

Depuis 2013, la Tunisie, engagée dans une transition démocratique post-révolution, bénéficie de plusieurs programmes du FMI totalisant plus de 3 milliards de dollars. Ces interventions visent à réformer le système de subventions, à moderniser la fiscalité et à renforcer la gouvernance publique. Si certaines avancées techniques sont réalisées, les résultats macroéconomiquesdéçoivent : une croissance stagnante à 1 %, un chômage des diplômés dépassant 35 %, une augmentation de la dette publique et des inégalités croissantes. Ce cas illustre les limites de l’action du FMI dans des contextes de transition, où les équilibres économiques sont étroitement liés à des dynamiques sociales et institutionnelles encore fragiles.

Depuis la crise financière mondiale de 2008, le FMI a engagé une réflexion profonde sur ses méthodes d’intervention. L’évolution institutionnelledu fonds est marquée par plusieurs inflexions majeures, en développant de nouveaux mécanismes, comme les lignes de crédit modulable. Elle offre un accès rapide à des financements importants, sans conditionnalité ex post : seuls des critères stricts d’admissibilité sont exigés en amont. Son accès reste limité à un petit nombre de pays jugés exemplaires par le FMI. L’institution internationale met l’accent sur la protection sociale, en imposant par exemple des planchers de dépenses socialesdans certains programmes. Elle adapte également ses recommandations aux contextes nationaux, avec des calendriers de réformes plus souples.

Lors de la pandémie du Covid-19, le FMI ajuste ses exigences pour permettre aux pays de soutenir leurs économies avant d’engager des réformes structurelles. Le dialogue avec les autorités et la société civile est renforcé par des consultations régulières, comme les forums avec les ONG lors de ses Assemblées annuelles, permettant de mieux intégrer les attentes locales et d’accroître l’appropriation des politiques recommandées.

Deux dilemmes persistent : comment concilier discipline budgétaire et justice sociale ? Comment éviter que les interventions du FMI ne deviennent elles-mêmes des facteurs de déstabilisation dans des sociétés déjà fragilisées ?

Auteur(s)

Photo : Ce que les LEGO nous enseignent sur les marchés de collection

Ce que les LEGO nous enseignent sur les marchés de collection

David Moroz Les LEGO ne sont plus uniquement des jouets pour enfants : ils sont aussi devenus des objets de collection prisés, avec un marché de seconde main particulièrement dynamique. À l’instar de certaines marques de luxe comme Pandora ou Hermès, le Groupe LEGO suscite chez ses clients le désir de collectionner, en développant des […]

Lire la suite

Photo : Le numéro 8 de la RIDO vient de paraître !

Le numéro 8 de la RIDO vient de paraître !

Le huitième numéro de la Revue Interdisciplinaire Droit et Organisations vient de paraître et offre de nouvelles pistes de réflexion sur la responsabilité sociétale des organisations, mais également de tous les acteurs composant celles-ci. Ainsi, la première étude des professeurs Monsieur Jean-Philippe Toppia, Madame Sandrine Berger-Douce et Monsieur Thibaut Métailler vise à mettre en évidence […]

Lire la suite

Photo : Comment définir un terroir ?

Comment définir un terroir ?

Face au changement climatique qui nous impose de repenser notre alimentation et donc notre production agricole, il s’avère nécessaire de revisiter le lien pouvant exister entre la qualité d’un produit agricole et le sol dont il est issu. Par conséquent, nous devons réexaminer les contours d’un concept fort connu dans le secteur du vin, à […]

Lire la suite