Sous l’expression encore mal maîtrisée de « Facilities Management » se trouve toute une industrie de services dont nous, salariés du tertiaire, bénéficions tous les jours au bureau sans même nous en rendre compte. Or, depuis le début de cette crise sanitaire, et encore aujourd’hui, ces prestataires se révèlent plus qu’indispensables à notre vie quotidienne. Cette tribune entend mettre en lumière leur courage au quotidien, leurs craintes face à l’incertitude, et la fragilité de ce secteur à soutenir absolument.
Des activités certes périphériques mais pour autant indispensables
C’est pour se concentrer sur leur cœur de métier et être plus agile face à l’incertitude du marché que les organisations – privées comme publiques – font appel à des entreprises prestataires pour ce qui ne touche pas à leur cœur d’activité. De prime abord, on serait tentés de penser de ces dites activités, puisqu’elles sont externalisées, quelles représentent peu d’enjeux pour la vie organisationnelle. Mais si l’on se projette sans ces services, on se rend rapidement compte que la vie de bureau ne peut se concevoir sans elles : plus de « filtre » à l’entrée de l’entreprise, pas de maintenance nous assurant un confort permanent, pas d’hygiène – et au cœur de cette crise, on mesure pleinement la nécessité d’évoluer dans des espaces aseptisés. Pour une recherche académique en cours, nous avons mené des entretiens avec des dirigeants du Facilities Management pour comprendre comment ils affrontaient cette crise, eux, dont l’essentiel du métier consiste en rapports humains de proximité, c’est-à-dire, des gestes devenus aujourd’hui potentiellement mortifères.
Un courage indispensable dont nous bénéficions tous
Les exemples de leur courage pour maintenir une continuité d’activités peuvent se multiplier aisément. A titre d’illustration, Steam’O, entreprise de Facility Management spécialisée dans la maintenance, continue de gérer des « points vitaux d’importance pour la France », notamment des sites de dispatching de réseaux de transports d’électricité, sans lesquels nous serions privés d’énergie, comme le souligne sa Directrice Générale et Fondatrice. Or, ces agents qui interviennent sur site, certes en respectant les gestes barrières, ne sont pas tous pourvus en masques (comme la plupart des Français aujourd’hui). Citons également les livreurs de TopChrono qui ont continué d’agir autant en BtoB qu’en BtoC, alors que selon Stanislas de Berc, Directeur Général Développement du Groupe : « Les premières semaines, c’était très compliqué parce que tout le monde avait très peur » tout en soulignant que ces livreurs craignaient pour leur santé naturellement, mais aussi pour celles de leur famille qu’ils pensaient ainsi mettre en danger. Et lorsqu’il a été question de livrer régulièrement des plateaux-repas au départ de restaurants et à destination de soignants en hôpital, ce sont des membres de la Direction Générale qui endossent deux fois par semaine le rôle de livreurs, estimant que c’est à eux « de prendre cette responsabilité ». Pensons enfin au secteur de la propreté qui est plus que jamais au cœur de nos problématiques : « Nous intervenons dans beaucoup de domaines jugés vitaux dans leurs activités, comme les hôpitaux, les Ehpad, les usines qui sont des sites de production agroalimentaire, des centres commerciaux et des banques » ainsi que le rappelle Christophe Cognee vice-président de GSF. Que serait notre quotidien sans eux ?
Un marché fragile, mais à soutenir car 100% local, 100% humain
Pourquoi est-il si important de s’intéresser aux métiers du Facilities Management mise à part notre question de recherche sur la transformation de leurs process face au Covid-19 ? En premier lieu, parce qu’il s’agit généralement de très gros employeurs (à titre d’illustration, Armonia emploie 12000 collaborateurs, GSF en compte 35000, et ce, sur l’ensemble du territoire national), or ces entreprises évoluent dans un marché ultra-concurrentiel – on parlerait en stratégie « d’océan rouge » – et avec cette crise, certaines d’entre elles connaissent une chute d’activité spectaculaire, notamment celles dont la spécialité est l’accueil physique en entreprise. Elles doivent dans l’urgence penser aux process de demain pour maintenir leurs emplois. Mais il est tout aussi primordial de prendre conscience de qui sont ces prestataires, de pleinement reconnaître leur rôle social, comme le souligne Corinne Colson-Lafon de Steam’O : « [il faut] prendre en compte qu’il y a des petits métiers qui font vivre un pays, un process, une entreprise. Se rendre compte aussi que nous, entreprises de services, nous sommes sur des métiers 100% humains, et 100% locaux : c’est fondamental. » Quant à Stanislas de Berc, il espère que nous ne nous contenterons plus de voir le service que l’on nous rend, mais que l’on considérera aussi l’humain qui est à l’autre bout de ce service : « j’ose espérer qu’il va y avoir de la reconnaissance et une prise de conscience de l’importance du service qu’ils [les livreurs] rendent au quotidien ».
Depuis la dernière allocution présidentielle, le sujet du déconfinement est sur toutes les lèvres. Dans ce contexte aussi, la présence des acteurs du Facility Management sera plus que nécessaire pour accompagner plus sereinement notre retour au bureau. N’oublions pas que depuis l’avènement des Intelligent Buildings du début des années 1980 et le développement de l’ergonomie qui ont mis en exergue l’importance des conditions de travail, les employeurs ont des responsabilités quant à la qualité de l’environnement dans lequel ils font œuvrer leurs salariés. Or ce sont justement ces dimensions spatiales importantes – telles que la qualité de l’air, la sureté, et plus que jamais, l’hygiène ! – qui sont déléguées à ceux qui sont devenus au fil des années les experts de ces domaines : les prestataires de service.